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Archive for the ‘L’école des stratèges’ Category

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Pour lire Le Cygne Noir (Partie 1), cliquez ici

Ah, la tour Eiffel… Un monument vraiment insolite quand on y réfléchit bien. Je ne l’avais pas visitée depuis mon enfance !

Je rejoignis N.N. au premier étage, comme nous l’avions prévu la veille. Linh m’accompagnait, car elle voulait absolument rencontrer mon mystérieux contact de l’aéroport. Je fis les présentations, et nous nous installâmes à côté de la barrière pour pouvoir admirer le paysage. Le vent était assez fort mais nous arrivions tout de même à nous entendre.

« Tony n’est pas là aujourd’hui ? » demandais-je à N.N.

« Ah non il ne sera pas là, il m’aide à préparer quelque chose d’important pour une prochaine visite en France. J’ai absolument voulu voir la tour Eiffel avant de partir, car je dois malheureusement quitter Paris demain matin par le premier avion. »

J’étais déçu par cette annonce. Peut être que j’espérais intérieurement qu’il reste beaucoup plus longtemps, même si c’était impossible.

« Alex, j’ai été ravi de te rencontrer ce soir dernier à l’aéroport, nos discussions étaient réellement intéressantes. Je te parlais d’un sujet qui me tenait à cœur et sur lequel je réfléchis depuis longtemps. Je vais essayer de t’en dire un peu plus maintenant, pour que tu puisses y réfléchir profondément à ton tour. Mais je ne pourrais pas tout te dire, tu dois découvrir certaines choses tout seul : « Rien de ce qui mérite d’être appris ne doit être directement enseigné ». »

« Rien de ce qui mérite d’être appris ne doit être directement enseigné »

Linh le regardait intensément, elle réfléchissait sûrement au sens de ses paroles. Quant à moi, je me demandais encore ce je que faisais là, comme en apprentissage, avec un homme qui me connaît à peine.

N.N. interrompit mes pensées :

« Hier, quand tu t’es présenté brièvement à Tony et à moi, tu nous a dis que tu étais entrepreneur n’est ce pas ? »

« Oui c’est vrai. Je travaille pour les autres dans les services, comme systémicien. »

« Systémicien, c’est celui qui est à l’étude des systèmes c’est bien ça ? »

« Oui, c’est bien ça pourquoi ? »

« Parce que tu vas alors sûrement saisir toutes les implications de ce que je vais, brièvement, te dire. Ton amie Linh sera aussi très intéressée, j’en suis sûr.

Pour vous, comment est le monde, en comparaison avec la pensée ? »

Pour vous, comment est le monde, en comparaison avec la pensée ?

J’étais encore surpris par sa question, un peu déconcertante. Linh répondit avant moi :

« Le monde est concret, réel, si on me passe cette évidence, dit-elle avec un petit sourire en coin. Et notre pensée est un modèle, une représentation approximative. »

« Bien, répondis N.N., très bien même ! Elle est douée ton amie me dit-il avec un clin d’œil.

En fait, l’homme est fait, neurologiquement je veux dire, pour se représenter le monde. Nous dressons une carte  mentale du territoire du réel. Une carte plus ou moins détaillée, plus ou moins exacte, et aussi et surtout, qui s’appuie sur notre expérience du monde. C’est comme si on conduisait en regardant toujours dans le rétroviseur. Et c’est là que se rejoignent tous les biais mentaux que je t’ai cité jusqu’à maintenant : l’erreur ludique, le problème de l’induction, la grande difficulté de penser à l’Extrêmistan et à l’existence des Cygnes Noirs…

Le monde est complexe, de plus en plus complexe même. Et nous avons des schémas mentaux limités, qui ne peuvent pas tout maîtriser, même si on l’aimerait beaucoup. Et une fois accepté ce fait, tout devient beaucoup plus facile ! Savez-vous ou je veux en venir, surtout toi, le systémicien ? » Il m’interrogeait du regard.

Nous dressons une carte mentale du territoire du réel.

Je réfléchis quelques secondes et lui donnais ma réponse :

« Je sais ce que tu veux dire, j’ai réfléchi à tout ça le soir où tu m’as parlé des Cygnes Noirs. En fait il ne sert à rien de les prévoir, il faut juste prévoir leurs conséquences possibles. Pour les Cygnes Noirs négatifs, c’est un peu le principe des assurances : j’ai peu de chance de tomber sur une grosse « tuile » (même si ce n’est qu’une chance sur un million), mais si cela me tombe dessus je suis vraiment très mal… Il y a beaucoup de Cygnes Noirs négatifs différents, mais leurs conséquences sur notre vie, elles, se rejoignent beaucoup. C’est contre les conséquences néfastes que je peux surtout me protéger, pas contre les Cygnes Noirs négatifs en eux-mêmes, que je ne peux pas prévoir… »

C’est contre les conséquences néfastes que je peux surtout me protéger, pas contre les Cygnes Noirs négatifs en eux-mêmes, que je ne peux pas prévoir…

N.N. paru agréablement surpris, ma réflexion le soir de l’hôtel n’a donc pas été vaine.

« Eh bien bravo, tu as compris quelque chose de vraiment capital. Si tu as déjà déduis cela de tes réflexions, tu vas aimer la suite. Pour toi, qu’en est-il des Cygnes Noirs positifs ? »

Linh était concentrée sur la conversation, et elle semblait vraiment apprécier l’échange que j’avais avec N.N. Je répondis :

« Les Cygnes Noirs positifs ne peuvent pas être prévu non plus. En tout cas dans le détail. »

Les Cygnes Noirs positifs ne peuvent pas être prévu non plus. En tout cas dans le détail.

« Exact, et c’est pour ça que je t’ai redemandé si tu étais entrepreneur. Sais-tu pourquoi ? »

« Un bon entrepreneur sait tirer partie des Cygnes Noirs positifs ? »

« Oui. Il sait en tirer partie parce qu’il sait provoquer sa chance. Il essaye beaucoup de choses différentes pour arriver à ses fins. En se trompant souvent bien sûr, mais en essayant de nouvelles choses plus souvent qu’il ne se trompe.  Sans forcément être entrepreneur, une personne qui a réussit est une personne qui a eu de la chance en tirant le bon numéro. Et cette heureuse personne aura utilisé cette technique étrange, mais simple en soi : elle a su tirer beaucoup de numéros différents, tout en apprenant de chacun d’eux.

Aussi, nous ne pouvons pas prévoir les Cygnes Noirs positifs, mais nous pouvons en prévoir les conséquences positives sur notre vie. De la même manière qu’il faut se protéger des conséquences des Cygnes Noirs négatifs, il faut tout autant être ouvert et préparé aux conséquences des Cygnes Noirs positifs. Savoir les provoquer, les chercher, tirer le plus possible de billets de loto gratuits en quelque sorte. On gagne rarement, mais quand c’est le cas… » Il fit un silence d’une dizaine de secondes, puis ajouta :

« Savez-vous ce qu’est la sérendipité ? »

Une personne qui réussit est une personne qui a eu de la chance, en tirant le bon numéro, mais qui a su tirer beaucoup de numéros différents.

Ce terme me disait quelque chose.

« C’est le principe de découverte fortuite non ? »

« C’est ça, répondit-il. Le terme sérendipité désigne un phénomène : trouver quelque chose d’intéressant mais de façon totalement imprévue, en cherchant autre chose, voire rien de particulier. On cite souvent des découvertes très importantes sont faites tout à fait par hasard : la découverte de la radioactivité, la découverte de pénicilline, la découverte de l’Amérique etc. Selon la phrase célèbre de Pasteur, « le hasard favorise l’esprit préparé ». Mais tout ceci revient à la même conclusion : il faut être ouvert aux Cygnes Noirs positifs car on ne peut pas les prévoir. Alors on favorise leur apparition en espérant, en cherchant où ils se cachent, et surtout, en étant préparé à recevoir ce qu’ils nous donnent. Si l’on ne rencontre pas des personnes extérieures à notre domaine de compétence, on aura plus de mal à innover ; si l’on n’écrit pas de livre, on ne sera jamais un auteur à succès ; si l’on ne trouve pas de nouvelles façon d’agir, on ne révolutionnera jamais son entreprise, ou la société en général d’ailleurs… »

Le terme de sérendipité désigne un phénomène : trouver quelque chose d’intéressant mais de façon totalement imprévue, en cherchant autre chose, voire rien de particulier.

Linh intervint :

« Donc en fait, une personne qui réussit c’est quelqu’un :

1) qui sait que sa carte mentale n’est toujours qu’approximative et incomplète ;

2) qui se protège des pires conséquences des éventuels Cygnes Noirs négatifs ;

3) et enfin qui recherche activement et est toujours bien préparé aux conséquences des Cygnes Noirs positifs.

C’est bien ça ? »

N.N. acquiesça d’un hochement de la tête, un grand sourire se dessinait sur ses lèvres. L’essentiel avait été dit. Tirer le maximum de billets de loto gratuits, cette phrase me restait encore dans la tête. C’est une  image vraiment parlante.

Tirer le maximum de billets de loto gratuits, cette phrase me restait encore dans la tête.

Il y avait moins de bruit à présent. Le vent soufflait doucement sur mon visage, alors que je méditais sur tout ceci. N.N. devait partir, et nous a remercié pour ces agréables moments d’échanges. Il reviendrait dans quelques temps pour faire une conférence sur le Cygne Noir. Le thème de son ouvrage. Il m’expliqua qui il était vraiment avant de partir.

Je le reverrai sûrement. En attendant, je réfléchirai soigneusement à tout ce qu’il m’a déjà dit, même si c’était peu par rapport à tout ce qu’il savait, j’en étais persuadé.

Nous n’étions plus que nous deux, Linh et moi, au premier étage de la tour Eiffel, la vue imprenable sur Paris.

« Linh, je vais mieux faire ce que j’aime dans la vie : apprendre et communiquer. Je vais commencer mon livre, depuis le temps que je t’en parle, l’heure est venue à présent. »

Elle me regarda avec un ses yeux intenses et son grand sourire :

« C’est vrai ? Alors je t’encourage à 100 % ! J’ai hâte de le lire ! Si ça se trouve, ton livre sera comme cette tour Eiffel… »

« Comme la tour Eiffel ? »

« Oui, elle a été construite pour l’exposition universelle, et bien peu de gens avaient l’intention de la laisser debout. Mais le hasard, la récente découverte des ondes radio je crois bien, a permit son immortalité. Et nous sommes dessus aujourd’hui, plus d’un siècle plus tard ! Tu vas donc toi aussi provoquer tes propres Cygnes Noirs Positifs, n’est-ce-pas Alex ? »

Merci Linh, tu as raison. Il est temps de tirer les numéros gagnants…

Sources :

  • Nassim Nicholas Taleb, “Le Cygne Noir, la puissance de l’imprévisible”, Les Belles Lettres
  • Nassim Nicholas Taleb, “Le hasard sauvage”, Les Belles Lettres

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Mon bagage à la main, j’attendais mon amie au abord d’un parc, en face d’une immense grille. J’étais songeur. La soirée de la veille me laissait comme une impression de songe, d’irréel. Le coup de l’avion annulé et mon voyage interrompu en plein transit, l’homme étrange que j’ai rencontré juste après, suivit par la soirée très instructive que j’ai eu avec lui et qui s’est terminée par ma longue réflexion nocturne sur l’existence des Cygnes Noirs. Tout cela s’est passé si vite ! Maintenant, quand je repense à cette soirée d’hier, je ressens autre chose peu à peu : tout est logique… a posteriori.

Mon amie arriva. Elle descendit du bus, et me fit un sourire radieux, comme je l’ai toujours vu faire avec les gens depuis que je la connais.

Le coup de l’avion annulé et mon voyage interrompu en plein transit, l’homme étrange que j’ai rencontré juste après, suivit par la soirée très instructive que j’ai eu avec lui et qui s’est terminée par ma longue réflexion nocturne sur l’existence des Cygnes Noirs.

« Coucou Alex ! Je suis contente de te revoir, ça fait tellement longtemps pas vrai ? »

« Salut Linh ! Merci de m’accueillir quelques jours, ça me rend vraiment service. »

« Oh hé, tu sais bien que tu es le bienvenu, depuis le temps que je t’invite à venir à Paris, tu en as au moins l’occasion avec ton histoire ! » Elle termina sa phrase par un clin d’œil.

Je n’avais eu le temps que de lui en toucher quelques mots au téléphone la veille au soir. Il était tard et je ne pouvais pas lui donner tous les détails, mais je savais que je pouvais compter sur elle, elle sait s’organiser en un temps record…

Il était déjà 17h45. J’avais également passé un coup de fil au fameux N.N., pour lui confirmer que je resterai sur Paris quelques jours. Il semblait plutôt content que l’on puisse se revoir, bien que je ne sache pas réellement pourquoi finalement… Nous nous verrons donc demain dans un café, avec un de ses amis d’après ce que j’avais compris.

Nous étions arrivé chez elle en 5 minutes. Après avoir raconté en détail ce qui s’était passé la veille, Linh sembla songeuse. Aussitôt après, elle chercha une de ses affaires sur son étagère. Je remarquai qu’elle avait pris un grand soin pour décorer son appartement : tout était mis en valeur avec des couleurs bien assorties entre elles, des dessins accrochés aux murs, des lampes de toutes sortes, des fleurs… Tout était beaux et simple à la fois. Agréablement simple.

« Voilà je l’ai trouvé » s’exclama-t-elle tout à coup.

Elle me montra un livre, mais le titre était incompréhensible. Je me fais toujours avoir, le vietnamien s’écrit avec un alphabet comme le nôtre, latin, mais avec des accents supplémentaires. Et à chaque fois j’ai le réflexe d’essayer de déchiffrer ce qui est de toute façon incompréhensible pour moi.

Linh détecta immédiatement mon désarroi et vint à ma rescousse :

« C’est L’art de la guerre, de Sun Tzu. Un livre que j’adore. Hé, ça te dirait d’aller au parc de Sceaux ? »

« Là, maintenant ? Mais on vient d’arri… »

Elle rit et ne me laissa pas finir ma phrase :

« Ah oui mais moi j’ai besoin de prendre un peu l’air pour me détendre, on est à Paris ici Alex, ce n’est pas tout le temps l’ambiance de la côte d’azur ! Et tu vas voir, ça vaut le coup c’est un très beau parc. »

Elle avait raison, c’était effectivement un très beau parc, juste à côté de chez elle en plus. C’était celui devant lequel j’attendais tout à l’heure. Nous marchions au bord du bassin, tout en discutant. Elle avait emmené son livre sur L’art de la guerre.

C’est L’art de la guerre, de Sun Tzu. Un livre que j’adore.

« Ah Alex, c’est ce que je cherchais pour toi, écoute voir ce passage : « Ne répétez pas la tactique qui vous a apporté la victoire, mais gardez les méthodes pour les adapter à l’infinie variété de circonstances. » Et il y a aussi ceux là : « L’eau construit sa course en fonction de la nature et du terrain sur lequel elle coule » ; « Tout comme l’eau n’a pas de forme constante l’art de la guerre n’est pas fixe » ; « Celui qui peut modifier sa tactique en fonction de son ennemi et gagner la bataille est le chef divin » ; « Les cinq éléments (l’eau, le feu, le bois, le métal, la terre) ne sont pas répartis en cinq parts égales. Aucune des quatre saisons ne dure toujours. Certains jours sont longs, d’autres courts. La lune se cache et brille. Ces lois sont aussi celles de la guerre. »

Tu vois ce livre a été écrit il y a 2500 ans, par un général très respecté de son époque. Mais cette manière de voir, même s’il elle s’applique à la guerre, correspond beaucoup à ce qu’à voulu te dire l’homme que tu as rencontré hier je trouve. Non, tu n’es pas d’accord ? »

« Ne répétez pas la tactique qui vous a apporté la victoire, mais gardez les méthodes pour les adapter à l’infinie variété de circonstances. »

Il y avait effectivement une ressemblance. Les entreprises guerrières étaient l’application réelle du savoir humain en matière de stratégie. Bien que la finalité de ces entreprises soit contestable, le savoir guerrier fut l’incarnation même de l’incertitude, de l’imprévisible à grande échelle : « s’adapter à l’infinie variété des circonstances », ces mots raisonnaient dans ma tête comme dans une caisse de résonance. Les Cygnes Noirs sont les incarnations même de l’imprévisible, ceux qui font toute la différence. Le génie militaire de l’époque conseillait de s’adapter, comme l’eau s’adapte au terrain. Pour pouvoir maîtriser l’impact des Cygnes Noirs, il faut un fort taux d’adaptation. Mais aussi, l’adaptation ça se prépare, ça se travaille, durant les périodes de « calme ».

Le soleil était très bas dans le ciel, c’était le moment de rentrer. Nous reparlerions de tout ça plus tard… Linh avait plein d’autres choses à me raconter depuis le temps.

Pour pouvoir maîtriser l’impact des Cygnes Noirs, il faut un fort taux d’adaptation.

Le lendemain, en fin de matinée, j’arrivai dans le café ou N.N. et moi avions rendez-vous. Il était déjà là.

« Ah, je suis content de te voir Alex. Ta journée d’hier s’est bien passée ? Tiens, je te présente mon ami, Tony, qui est sur Paris depuis quelques temps déjà. »

Je saluai N.N. et Tony. Son ami Tony avait l’air aussi jovial que lui, il me salua avec chaleur.

N.N. enchaîna aussitôt :

« J’ai expliqué à Tony pourquoi tu étais là, l’intérêt que tu as accordé aux idées dont on a parlé avant-hier. Il accepte volontiers que l’on parle tous ensemble. »

Tony ajouta :

« Ça ne pourra qu’être profitable pour tout le monde ! Et puis ça me fait plaisir de revoir mon ami dans le sujet qui le passionne le plus. »

Tony se présenta de manière anarchique mais très agréable à écouter, comme une histoire à rebondissement. J’appris que Tony était un professionnel indépendant, spécialisé dans le dénichage des bonnes affaires. Après avoir travaillé plusieurs années dans une grande banque, il quitta le navire et se mis à travailler comme il l’entendait. Il savait trouver les bonnes affaires, car il avait un très bon sens pratique, et une parfaite connaissance de la machinerie financière et de ce qu’aime voir sur un dossier un professionnel en investissement lorsqu’on monte une affaire ! Il avait également une très bonne connaissance de la psychologie humaine. Dès que j’eus fini de me présenter, moi ainsi que mon travail, et que j’eus commencé à exprimer devant eux mon intérêt pour le concept d’incertitude, N.N. me demanda d’essayer un petit exercice :

« Vous devez répondre tous les deux. J’ai ici une pièce de monnaie, bien équilibrée sur chaque face. Je la lance 99 fois, et 99 fois elle est tombée sur pile. Quelles sont les chances qu’elle tombe sur face lors de mon centième lancer ? »

« Facile N.N., répondis-je aussitôt, elle a 50% de chance de tomber sur face, puisqu’il n’y a pas d’influence des précédents lancers sur le centième résultat. Chaque lancer est indépendant des autres et donc il y a une chance sur deux qu’elle tombe sur pile et une chance sur deux qu’elle tombe sur face. C’est des probabilités de niveau secondaire ! »

J’ai ici une pièce de monnaie, bien équilibrée sur chaque face. Je la lance 99 fois, et 99 fois elle est tombée sur pile. Quelles sont les chances qu’elle tombe sur face lors de mon centième lancer ?

Tony était en train de réfléchir intensément, puis s’exprima juste après moi en se tournant vers son ami :

« Moi je suis quasiment sûr qu’elle tombera encore sur pile, et il y a presque aucune chance qu’elle tombe sur face justement. Je ne sais pas ce que tu en penses, mais c’est des âneries ton histoire de pièce équilibrée. Elle est tombée 99 fois sur pile lors de 99 lancers ! La probabilité que ta pièce soit faussée malgré tes bonnes paroles est beaucoup plus forte que d’avoir 99 piles sur 99 lancers consécutifs. »

La probabilité que ta pièce soit faussée malgré tes bonnes paroles est beaucoup plus forte que d’avoir 99 piles sur 99 lancers consécutifs.

N.N. sourit :

« Tu as raison Tony, ma pièce a toute les chances d’être déséquilibrée, en tout cas bien plus que de chances d’avoir cette suite rien que par le hasard…

Tu vois Alex, c’est un exemple type de précipitation que les gens font, surtout lorsque ce sont des spécialistes dans un domaine. On nous présente un problème, ce problème ressemble à des exercices théoriques que l’on a appris, et nous nous empressons d’utiliser les outils que nous connaissons pour les résoudre. Même si ce n’est pas du tout adapté à la situation. Appliquer des exercices théoriques dans le réel, c’est ce que j’appelle l’erreur ludique, celle que l’on commet lorsque l’on fait trop confiance aux énoncés, tu vois ce que je veux dire… »

J’ai pris au pied de la lettre la définition du problème faite par N.N. : la pièce était soi-disant parfaitement équilibrée. J’étais un peu gêné de m’être jeté sur une réponse évidente, cela ne me ressemble pas d’habitude, mais cela signifiait que j’avais encore des choses à apprendre. L’énoncé était simple, je connaissais la réponse, je me suis précipité pour répondre. Un non spécialiste des probabilités et des statistiques aurait certainement plus réfléchi que moi à la question, puisqu’il ne connaissait pas de réponse toute faite. Ça doit être ça le problème du spécialiste et de l’erreur ludique dont parle N.N.

Appliquer des exercices théoriques dans le réel, c’est ce que j’appelle l’erreur ludique, celle que l’on commet lorsque l’on fait trop confiance aux énoncés.

Nous continuâmes à parler pendant une bonne heure de l’erreur ludique, et nous nous sommes mis d’accord pour se revoir le lendemain pour aller plus loin : la psychologie humaine et son rapport à l’incertitude. J’en saurai plus sur la relation entre le problème des spécialistes, de l’erreur ludique et des Cygnes Noirs. Et d’après ce que j’ai compris, j’apprendrai à mieux utiliser l’incertitude à mon avantage. A voir… J’étais impatient d’en connaître un peu plus mais ils devaient partir tous les deux durant l’après-midi. J’en saurai plus demain.

La fin d’après midi approcha, et après avoir visité Paris au hasard, je rejoignis Linh à l’arrêt où elle descendait. Nous allâmes directement au Parc de Sceaux. J’en profitai pour lui raconter ce que j’avais appris à mes dépends lors de ma conversation avec N.N. et Tony. Elle semblait amusée par ce que je lui racontait. Elle aime beaucoup être stimulé intellectuellement, elle a besoin de ça. C’est une des raisons pour laquelle je l’apprécie je pense.

Après avoir écouté attentivement ce que je lui rapportais, elle alla s’asseoir dans l’herbe au soleil et me fit signe d’en faire autant.

« Alex, j’ai une énigme pour toi, que j’ai entendue quand j’étais petite. Concentre-toi d’accord ? »

J’acquiesçais, et elle poursuivit :

« Tu approches d’une plage, et là tu aperçois deux arches de pierres qui sortent de l’eau. Tu vas voir d’un peu plus près car cela t’intrigue. Et à ce moment là deux dragons des mers sortent de l’eau, un rouge et un bleu. Tu es impressionné par leur grandeur, et tu es effrayé. Tout à coup le dragon bleu se met à parler d’une voix forte et tonnante : « Bonjour étranger, nous sommes les gardiens des deux portes. L’un de nous garde la bonne porte, celle du paradis, et il dit toujours la vérité à propos de sa porte. » Le dragon rouge poursuivi avec la même voix grondante : « Et inversement, l’un de nous garde la mauvaise porte, celle de l’enfer, et lui ne dit jamais la vérité à propos de sa porte. » Le dragon bleu ajouta : « Tu peux nous demander quelque chose, mais tu n’auras qu’une seule réponse. » Et enfin le dragon rouge finit : « Un seul de nous deux te répondra, ne l’oublie pas… A toi de faire le bon choix. »

Tu vois alors que les deux dragons sont chacun devant une des portes de pierre. Que vas-tu faire pour trouver quelle porte est bonne ou mauvaise ? Vas-y Alex je t’écoute, c’est à toi. »

Deux dragons des mers sortent de l’eau, un rouge et un bleu.

« Linh, tu n’as pas de chance, je connais déjà cette énigme ! Sauf que quand je l’ai entendue, ce n’était pas des dragons mais deux anges dans un labyrinthe. »

Ses yeux me fixaient intensément. De jolis yeux en amande, qui restaient toujours mystérieux quand j’essayais de lire à l’intérieur. Elle attendait que je poursuive.

« Voilà, si je demande au dragon qui ment tout le temps s’il garde la bonne porte il me répondra oui, puisqu’il garde la mauvaise et qu’il ment. De la même manière, si je demande au dragon qui dit toujours la vérité s’il garde la bonne porte, il me répondra oui également, puisqu’il garde vraiment la bonne porte. Je suis bloqué, il diront oui tous les deux et je ne pourrai pas les différencier. Je n’ai le droit qu’à une seule réponse de l’un d’entre eux en plus !

Alors Linh, ce que je vais faire c’est demander à l’un d’entre eux, au hasard, d’aller voir l’autre dragon et de lui demander s’il garde la bonne porte, et de revenir me dire quelle a été sa réponse. Et ça va m’indiquer lequel est le bon, regarde les deux cas de figure :

1) Si celui que je vais voir est le bon, alors il ira lui même voir le mauvais, et lui demandera s’il est le bon dragon. Le mauvais dragon va alors mentir en répondant, il va dire oui. Le bon dragon va me rapporter sa réponse en disant la vérité : « Il a dit oui. »

2) Si celui que je vais voir est le mauvais, alors il ira lui même voir le bon, et lui demandera s’il est le bon dragon. Le bon dragon va dire la vérité en répondant, il va dire oui. Le mauvais dragon va me rapporter sa réponse, en mentant sur sa réponse : « Il a dit non. »


Alors, ce que je vais faire c’est demander à l’un d’entre eux, au hasard, d’aller voir l’autre dragon et de lui demander s’il garde la bonne porte, et de revenir me dire quelle a été sa réponse.

J’ai donc ma réponse : si celui qui me répond dit « Il a dit oui », c’est le dragon de la bonne porte, et s’il me dit « Il a dit non », c’est le dragon de la mauvaise porte.

Voilà la solution. Mais j’avoue que je connaissais déjà la réponse, comme je te l’ai dit, alors c’était vraiment plus simple pour moi. »

Linh sourit, puis m’annonça :

« C’est ingénieux comme système Alex, mais malheureusement tu as des chances de prendre la mauvaise porte. Repense à ce que t’as dit N.N. ce matin. »

Je ne comprenais pas sur le coup, j’étais sûr de cette astuce pour les dragons, elle était incontestable…

C’est ingénieux comme système, mais malheureusement tu as des chances de prendre la mauvaise porte. Repense à ce que t’as dit N.N. ce matin.

Linh intervint pour m’aider à voir où était le problème :

« Alex, réfléchis à l’énoncé du problème, comme tu me l’as expliqué avec la pièce équilibrée qui ne l’était pas. »

Je compris alors tout à coup ma grossière erreur : les dragons m’ont tous les deux fait l’énoncé du problème. L’un ne pouvait pas toujours dire la vérité et l’autre mentir, ils ne se seraient pas mis d’accord sur l’énoncé cohérent des règles.

Je compris alors tout d’un coup ma grossière erreur : les dragons m’ont tous les deux fait l’énoncé du problème. L’un ne pouvait pas toujours dire la vérité et l’autre mentir, ils ne se seraient pas mis d’accord sur l’énoncé cohérent des règles.

« Linh, dis-moi, ils mentaient tous les deux dès le début c’est ça ? »

« C’est possible, en tout cas tu ne peux rien tirer de ce qu’ils t’ont dit, tout est du vent. Les deux portes auraient pu être mauvaises et avec ton système alambiqué tu aurais subit une grosse désillusion. » Elle regarda le soleil couchant quelques secondes et ajouta : « En fait, tu aurais alors subit un Cygne Noir négatif parce que tu faisais trop confiance à l’énoncé du problème et à une solution que tu connaissais déjà… »

En fait, tu aurais alors subit un Cygne Noir négatif parce que tu faisais trop confiance à l’énoncé du problème et à une solution que tu connaissais déjà…

Elle me regarda avec un grand sourire compatissant. Merci Linh, tu viens de me donner une bonne leçon.

Décidément, l’ombre de la systémique est présente partout. J’ai considéré le système comme limité par l’énoncé, mais l’énoncé faisait lui-même partie du système, et donc du problème posé. Il fallait penser de manière plus large, et ma propre éducation et mes automatismes inconscients se sont retournés contre moi… Serais-je donc mon pire ennemi sans m’en apercevoir ?

Je lui rendis son sourire complice… J’ai beaucoup appris aujourd’hui. A partir de maintenant, rien ne sera considéré pour acquis. Rien.

Vivement demain N.N., j’ai encore beaucoup à faire !

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J’ouvris la porte de ma chambre d’hôtel. En fait, je ne regrettai vraiment pas de devoir rester ici ce soir, le cadre était magnifique : la chambre et le lit étaient spacieux, la décoration de bon goût (enfin pour moi), et il y avait même un mini-bar déjà rempli de boissons en tout genre.

Je posai mon sac sur mon lit, m’assis à côté et réfléchis en silence. Pourquoi cet inconnu étrange a-t-il utilisé l’expression « cygne noir » ? Je n’aime pas ne pas comprendre, cela paraît banal comme attitude mais chez moi c’est peut être un peu trop poussé à l’extrême…

Il était 21h moins cinq. Il était temps que je descende rejoindre N.N. au réfectoire de l’hôtel.

 

Pourquoi cet inconnu étrange a-t-il utilisé l’expression « cygne noir » ?

 

Je le vis en train de se servir en entrées au buffet, puis se rasseoir à sa table, seul. Je me servis également. Nous n’étions pas nombreux, seules quelques familles du minibus qui provenait de l’aéroport étaient descendues manger un morceau.

 

Je le rejoignis : « Je peux manger avec vous ? »

« N’oublies pas de me tutoyer…  et bien sûr que l’on peux manger ensemble, sinon je ne t’aurais pas invité à me rejoindre tout à l’heure ! »

Évidemment, ma question était idiote mais bon…

 

Je m’assis, et poursuivis avec une pointe d’hésitation dans la voix : « Euh, j’ai une quest… »

Il m’interrompit : « Je sais, tu veux savoir ce que je voulais dire par « Cygne Noir ». Je vais te répondre avec plaisir. Le Cygne Noir est en quelque sorte ma spécialité et mon principal centre d’intérêt de ces dernières années. »

« Tu ne m’avais pas dit que c’était l’Extrêmistan ta spécialité ? »

« Ça l’est ! Les notions de Cygne Noir et d’Extrêmistan se rejoignent. Mais je ne vais pas te répondre directement, tu vas devoir faire un effort dans ce sens si tu veux bien. »

 

Les notions de Cygne Noir et d’Extrêmistan se rejoignent.

 

Ah un défi, au moins je ne vais pas m’ennuyer : « Vas-y je t’écoute N.N. »

« Connais-tu le problème de l’induction ? »

« De l’induction ? En science tu veux dire ? »

« C’est ça, de l’induction scientifique. Par exemple, comment ferais-tu pour prouver que tous les cygnes sont blancs ? »

 

L’induction scientifique. Par exemple, comment ferais-tu pour prouver que tous les cygnes sont blancs ?

 

« Je ferais une observation de tous les cygnes que je croise. Mais ça serait facile. Même une observation rigoureuse serait simple à faire. J’observe un cygne, je note sa couleur, et ceci répété sur un grand nombre de cygnes, un grand échantillon pour qu’il soit représentatif. S’il sont tous blancs, alors il y a de fortes chances pour que l’ensemble de la population des cygnes soit blanche. C’est à ça que sert l’induction : je fais des observations et j’en induis les règles générales. Je n’ai observé que des cygnes blancs jusqu’à aujourd’hui, j’en induis que tous les cygnes sont blancs. »

« Mais il y a un petit problème… Alex, tu vois où ? »

 

C’est à ça que sert l’induction : je fais des observations et j’en induis les règles générales. Je n’ai observé que des cygnes blancs jusqu’à aujourd’hui, j’en induis que tous les cygnes sont blancs.

 

Je réfléchissais en même temps que je parlais : « Euh, en fait, oui, il y a un petit bémol. J’en ai induis une règle générale, mais je ne suis pas sûr qu’elle soit vraie à 100%. Rien ne me prouve que tous les cygnes, sans exception soient blancs. Je ne peux pas observer tous les cygnes de la Terre, et donc, je ne peux pas avoir une règle sûre… »

« Voilà le problème de l’induction. Tu as observé des cygnes qui étaient tous blancs, et tu en as induis la règle générale : « tous les cygnes sont blancs ». Or ce n’est pas une bonne règle, la bonne serait : « tous les cygnes semblent être blancs, jusqu’à preuve du contraire ». Un jour, tu rencontreras un cygne noir, très rare, qui te fera réviser ta théorie… En réalité, tu ne peux pas prouver que quelque chose et vrai dans une théorie, tu peux seulement prouver qu’elle est fausse. »

 

Or ce n’est pas une bonne règle, la bonne serait : « tous les cygnes semblent être blancs, jusqu’à preuve du contraire ». Un jour, tu rencontreras un cygne noir, très rare, qui te fera réviser ta théorie…

 

« D’où l’attitude des sceptiques pour les théories… »

« Exactement. Tu as pris du poulet là non ? »

« Oui, pourquoi tu me demandes ça ? »

« Tout simplement parce que le poulet qui est dans ton assiette s’y connaît sûrement mieux en Cygne Noir que toi, je me trompe ? »

 

Je regardai mon assiette et m’interrogeai sur ce qu’il venait de me dire. Ce poulet ne devait plus savoir grand-chose dans l’état où il était…

Je relevai brusquement la tête vers mon interlocuteur : « Que veux-tu dire ? »

« Imagine que notre malheureux poulet ai vécu mille et un jours en tout. Qu’a-t-il pensé des humains et de sa vie en général durant les mille premiers jours ? »

« Eh bien je suppose qu’il devait trouver les humains très sympathiques, et pour cause, ils lui donnaient à manger à profusion tous les jours. Il devait même se sentir de plus en plus en sécurité au fil du temps, car ce comportement généreux se répétait chaque jour, mille fois de suite. Pour faire le rapprochement avec le problème des cygnes blancs et de l’induction, c’est comme s’il avait observé que des cygnes blancs pendant mille jours, et qu’il en induisait que tous les cygnes sont et seront blancs. »

 

Il devait même se sentir de plus en plus en sécurité au fil du temps, car ce comportement généreux se répétait chaque jour, mille fois de suite.

 

Il intervint dans mon raisonnement : « Oui, et jusqu’à ce que ? »

« Jusqu’à ce que le mille et unième jour, contre toute attente de sa part, le sympathique humain l’abatte pour le manger ou le vendre comme nourriture. C’est le Cygne Noir, celui qui détruit une théorie de toute une vie, c’est bien ça N.N. ? »

« Tu as compris. Tu remarqueras d’ailleurs l’ironie de la situation : c’est quand le poulet était le plus sûr du comportement sympathique des humains, le mille et unième jour, après milles observations identiques, que tout s’écroule, et de manière radicale. »

 

Jusqu’à ce que le mille et unième jour, contre toute attente de sa part, le sympathique humain l’abatte. C’est le Cygne Noir, celui qui détruit une théorie de toute une vie.

 

Je jetai un œil vers mon assiette, et je me surpris presque à éprouver de la pitié pour mon infortuné dîner. C’est vrai, il ne méritait pas un tel… Cygne Noir.

 

Il interrompis mes pensées : « Si tu savais à quel point les humains sont touchés par les Cygnes Noirs, tu serais surpris. Malheureusement, le cerveau humain n’est pas fait pour les voir et les comprendre. On ignore les Cygnes Noirs, purement et simplement, car ils sont rares. Ou, ce qui revient presque au même, on accorde trop d’importance à un tout petit nombre d’entre eux, en oubliant complètement les autres.

 

On ignore les Cygnes Noirs, purement et simplement, car ils sont rares.

 

Mais il ne faut pas oublier que, comme pour ton poulet de ce soir, un Cygne Noir a une influence radicale sur notre vie, et c’est vraiment ça qui est capital. Dans beaucoup de professions, ou dans notre vie privée, les Cygnes Noirs interviennent et chamboulent tous les plans que l’on aurait pu imaginer. En bien comme en mal. » Il regardait dans le vide, et semblait pensif…

« Tu veux parler des professions qui appartiennent à l’Extrêmistan c’est ça. Et tu viens de dire « en bien comme en mal », il existe des Cygnes Noirs bénéfiques ? »

« Oui, il existe des Cygnes Noirs négatifs, qui détruisent des professions et des vies, et inversement, des Cygnes Noirs qui créent en un temps record des succès sans limite. Ces derniers s’appellent des Cygnes Noirs positifs. La clé de la réussite étant de limiter l’impact des Cygne Noirs négatifs sur sa vie et de s’exposer intentionnellement aux Cygnes Noirs positifs… »

« On peut limiter l’impact des Cygne Noirs négatifs, et s’exposer intentionnellement aux Cygnes Noirs positifs ? Tu éveilles ma curiosité N.N., comment peut on faire ça ? »

« C’est d’une grande simplicité, crois-moi. C’est juste que l’on n’a pas l’habitude d’y penser.

J’ai appelé un ami tout à l’heure avant de venir dîner. Au lieu de reprendre l’avion demain, je vais rester quelques jours sur Paris. Tu t’en vas d’ici quand ? »

 

La clé de la réussite étant de limiter l’impact des Cygne Noirs négatifs sur sa vie et de s’exposer intentionnellement aux Cygnes Noirs positifs…

 

Je réfléchissais à toute vitesse. Je voyais bien quelle était l’opportunité qui se présentait à moi.

Je répondit sans hésiter : « J’ai quelques coups de fils à donner demain matin, je reste sur Paris. »

Il sourit : « En voilà une bonne nouvelle ! Tiens je te donne mon numéro de portable. »

Il griffonna quelque chose sur un petit bloc note qu’il sorti de sa veste. Mais il semblait écrire plus qu’un simple numéro et son nom…

 

Il arracha le papier et me le tendit. Il n’y avait pas son nom, juste « N.N. », suivi de son numéro de portable. En dessous il y avait ce court texte :

 

Un Cygne Noir s’identifie grâce à ces trois éléments, intimement liés :

1) il est totalement inattendu ;

2) son impact est gigantesque ;

3) notre cerveau va trouver des raisons logiques pour l’expliquer a posteriori.

Il se leva et me tendit la main pour me dire au revoir, il avait déjà fini son dessert et je n’avais pas encore commencé. Je dois être dans un autre monde, surtout à prendre la décision de rester sur Paris, sur un coup de tête, tout ça pour bavarder avec un inconnu…

Je serrai sa main, et il me dit : « Ne t’en fais pas, tu n’as qu’à voir cette situation comme un Cygne Noir qui sera peut être très positif qui sait. Rappelle-moi demain quand tu peux. Allez au revoir ! »

Il sortit du réfectoire d’un pas rapide. Dire qu’il avait deviné mes pensées ! Je souriais intérieurement.

Tout était très silencieux à présent, sauf mes pensées, qui fusaient dans tous les sens. J’étais le seul qui restait, car il était tard. Après avoir fini de manger pensivement, je rejoignis ma chambre et allumait mon ordinateur portable qui était rangé dans mon sac. Ils ont forcément un réseau dans l’hôtel… La réponse est oui. Je tape « cygne noir » dans le moteur de recherche d’images…

 

cygne-noir1

Les cygnes noirs existent bels et bien. La métaphore de N.N. était là, sous mes yeux, elle me mettait en garde contre mes certitudes, et je me pris à rêver devant la photo affichée sur mon écran d’ordinateur…

Si je pouvais utiliser les Cygnes Noirs à mon avantage, ma vie serait alors transférée dans un monde illimité…

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cygne-noir

Cette histoire sera éditée en plusieurs parties, qui se suivront et se complèteront.

Ce récit repose sur des évènements vécus, et d’autres qui sont imaginés. L’homme dont je fais l’heureuse connaissance est une personne qui existe bel et bien, mais que je n’ai pas (encore) rencontré personnellement.  Que l’auteur du « Cygne Noir » me pardonne mes libertés dans mon récit, j’essaye d’être fidèle à sa personne et à sa pensée du mieux que possible. Pourtant une certaine humilité s’impose à moi, car une fidélité totale n’est pas vraiment réalisable : cet auteur possède un vécu et des connaissances qui vont bien plus loin que les miens. Le but est de vous faire découvrir à tous des concepts qui m’ont beaucoup touché et m’ont fait vraiment réfléchir, le tout à travers une histoire agréable et facile à se représenter.

Si vous êtes curieux(se), alors n’hésitez pas à entrer dans ce monde, vous pourriez en ressortir vraiment changé(e)… d’une manière ou d’une autre !

Aéroport de Paris, 19h30. Ma correspondance est annulée. Quelle surprise ! Ce n’est que la troisième fois que ça m’arrive en dix ans… Bloqué à Paris alors que je n’ai rien d’important à y faire. Pourtant, cette fois je n’aurai pas à prendre le train pour rentrer : ils m’offrent la nuit à l’hôtel Hilton. C’est plutôt pas mal. Pour les autres passagers du vol, l’atmosphère est tendue, cela se sent.

Je récupérai mon bagage, signai les formalités de la compagnie aérienne et me dirigeai vers le minibus qui nous amènera vers l’hôtel. Il est tard, et le voyage, plus ces péripéties, m’ont un peu fatigué.

Un homme en veste marron-claire, chemise bleue, et avec une petite barbe grise s’assied à côté de moi.

« Bonsoir Monsieur, lui dis-je lorsqu’il se mis à l’aise dans son siège, votre vol à lui aussi été annulé je suppose. »

Il se tourna vers moi :

« Bonsoir, oui mon vol a été annulé, mais j’ai l’habitude de traiter avec ce genre de situation. »

Il avait un léger accent.

« Vous êtes étranger ? »

« Hum, oui je suis américain, mais je sais parler français depuis mon enfance. »

« Vous venez de dire que vous aviez l’habitude de traiter ce genre de situation, ça vous arrive souvent quand vous venez en France ? »

« Non, non, pas du tout, les vols annulés cela arrive… même chez moi » me répondit-il avec un discret clin d’oeil. « Ce que j’ai voulu dire c’est que mon travail même consiste à m’adapter aux aléas de la vie, quels qu’ils soient. Ce qui vient d’arriver est une broutille, comparé à ce qui pourrai arriver. »

Ce que j’ai voulu dire c’est que mon travail même consiste à m’adapter aux aléas de la vie, quels qu’ils soient.

J’étais intrigué par ce qu’il venait de dire. Mais pas seulement. Il avait un ton dans la voix qui disait : j’en sais long sur le sujet, très long.

« Pardonnez ma curiosité : quel travail faites-vous donc ? »

Il me répondit droit dans les yeux avec un léger sourire dans la voix :

« D’habitude lorsque l’on me le demande et que j’ai envie de rester tranquille et pouvoir lire, je répond que je suis chauffeur de taxi. Les gens me répondent « Ah », et me fichent la paix. Mais en réalité, je suis ce que l’on peut appeler un « penseur de l’incertitude ». »

Je suis ce que l’on peut appeler un « penseur de l’incertitude ».

J’étais encore plus désarçonné. Je ne comprenais pas ce qu’il voulait me dire.

« Donc, vous êtes une sorte de philosophe de l’incertitude ? » Tentai-je.

« Oui, c’est ça. Je suis un spécialiste de l’Extrêmistan. Alors que les gens, en général, sont des spécialistes du Médiocristan. »

Je suis un spécialiste de l’Extrêmistan. Alors que les gens, en général, sont des spécialistes du Médiocristan.

Je n’y comprenais rien. Je pensais être tombé sur quelqu’un d’un peu trop spécial à mon goût, et pourtant j’estime être quelqu’un d’ouvert…

Il poursuivit en riant :

« Je vois que j’ai réussi mon entrée ! Vous avez l’air d’avoir les idées qui partent dans tous les sens. Je suis quelqu’un d’un peu original, heureusement pour moi ! Vous pouvez me tutoyer, appelez-moi par un de mes surnom : N.N. »

« Ah, alors tutoyez-moi également, on me surnomme Alex d’habitude. »

« Enchanté de faire ta connaissance Alex. Tu m’as l’air d’être quelqu’un de curieux des choses. Je peux te poser une question ? Tu apprécieras sûrement ! »

« Euh, bien sûr, vas-y N.N. » dis-je en souriant à moitié.

« Tu vois ce minibus, il reste encore quelque personnes qui doivent monter pour qu’il se décide enfin à partir. On doit être une vingtaine à l’intérieur. Regarde les bien, tous, surtout leur taille. »

Nous étions à l’arrière, donc la chose fut rapide à faire, même si ils étaient assis, il était facile de deviner leur taille avec la hauteur du tronc.

« Hum, oui il y a toute sorte de gens. Ils font tous à peu près la même taille. Je ne vois rien de spécial. »

Ils font tous à peu près la même taille. Je ne vois rien de spécial.

« Justement, tu ne vois rien de spécial. Parce qu’il n’y a rien de spécial. La taille des gens fait partie de ce que j’appelle le Médiocristan. Maintenant fait la moyenne de toutes les tailles que l’on trouve dans notre groupe des exclus des voies aériennes… »

« Je dirai 1,70m environ. Oui je pense que c’est une moyenne convenable. »

« Bien, maintenant imagine ceci : un basketteur géant entre dans notre groupe, il fait 2m10 de haut. La moyenne des tailles changera-t-elle de beaucoup ? »

« Non, même dans notre groupe de seulement 20 personnes, la moyenne variera de 1 ou 2 %, tout au plus. Notre géant ne fera pas beaucoup la différence, la moyenne des tailles passera de 1,70m à 1,72m, à tout casser. »

Non, même dans notre groupe de seulement 20 personnes, la moyenne variera de 1 ou 2 %, tout au plus.

« Exactement ! » Il baissa un peu la voix : « Maintenant, essaye d’imaginer le revenu annuel de chacune de ces personnes. Je sais ça ne sera pas facile, ni sympathique pour ceux pour qui tu te trompera de beaucoup, mais peu importe, cela n’influera pas sur la conclusion. »

Je réfléchi pendant quelques secondes et me lançai :

« Bon. Il y a beaucoup de vacanciers et de familles, et des cadres… ah il y en a un qui va monter dans le bus, avec sa femme. Je le reconnais, il refusait que l’on lui paye une chambre « minable », comme il l’a dit lui-même. Il a décidé de payer plus pour prendre une suite. Il a donné 8000 euros au responsable de l’hôtel qui était à l’aéroport, pour que tout soit parfait pour lui et sa femme, et que tout soit préparé afin qu’ils repartent pour le premier avion qui décolle demain matin. Je n’ai jamais vu ça. Bref, il a doit avoir juste une quarantaine d’années, et il s’est fait remarqué… il doit être riche, vraiment riche.

Je vois où tu veux en venir N.N., la moyenne, cette fois-ci, va grimper énormément lorsqu’il montera dans le minibus (s’il accepte de monter !). L’argent est une valeur plus aléatoire que la taille des gens. Du coup, un seul « très riche » va considérablement influer sur la moyenne des revenus des gens. »

L’argent est une valeur plus aléatoire que la taille des gens. Du coup, un seul « très riche » va considérablement influer sur la moyenne des revenus des gens.

« Exact ! C’est ça que j’appelle l’Extrêmistan. C’est le monde des grandeurs non physiques, de l’information, du social. Par opposition au Médiocristan, qui est le monde du physique et de la norme. Personne ne va rentrer dans le bus et mesurer plusieurs kilomètres de haut, c’est physiquement impossible !

Tout le monde fait à peu près la même taille, mais par contre, les gens en général ont un revenu normalisé… sauf quelques-uns. Et ces quelques-uns font une énorme différence ! Bill Gates possède plusieurs dizaines de milliards de dollars, et je suis quasiment sûr que rassembler tout ce que possèdent les personnes à côté de nous réunies, même avec notre riche indiscret de l’aéroport, ne suffirait pas à atteindre 0,1% de ce que possède un Bill Gates.

Tu remarques d’ailleurs que c’est pareil pour la vente des livres. Pense par exemple à J.K. Rowling, l’auteur de Harry Potter, qui a vendu ses livres à plus de 400 millions d’exemplaires. On peut dire qu’elle écrase tous les autres auteurs, plus modestes, qui sont déjà très contents si ils atteignent le cap de 10000 exemplaires vendus. C’est ce que j’ai appelé un succès du type « le gagnant rafle tout », typique de l’Extrêmistan, et qui est parfois un peu trop injuste pour les autres. C’est le monde extrême et quasi-illimité du social, de l’information, de l’économie, d’Internet etc. »

L’Extrêmistan, c’est le monde des grandeurs non physiques, de l’information, du social. Par opposition au Médiocristan, qui est le monde du physique et de la norme.

Le bus démarra enfin. Je réfléchissais à toute vitesse sur ce que ma nouvelle connaissance, un mystérieux N.N. qui ne donne apparemment pas son prénom au premier venu, était en train de me dire. Je n’avais jamais vraiment vu les choses de cette manière. D’un côté il y a la norme, où tout le monde est à la même enseigne, même s’il existe de petites variations. Et de l’autre côté il y a l’extrême, où une minorité va considérablement changer la moyenne établie. C’est le monde, parfois injuste, du « gagnant rafle tout » comme il le dit si bien.

L’Extrêmistan, c’est le monde, parfois injuste, du « gagnant rafle tout ».

Je lui demandai :

« Mais il y a des professions qui sont plus soumise que d’autre à ces variations, non ? Ce que je veux dire, c’est qu’être un auteur comme J.K. Rowling permet d’avoir un succès phénoménal si on réussit, et un échec tout aussi phénoménal si elle ne vend aucun livre. Le bouche-à-oreille et la publicité feront que plus les gens aiment, plus ils en parleront à des amis, et plus les leaders d’opinions en parleront à la télévision, ce qui touchera un nombre encore plus élevé de gens et ainsi de suite… le cycle se répète et prend de l’ampleur. Cela créé une réaction en chaîne qui explose, de manière exponentielle en plus. Il n’y a pas de limite physique au nombre de livres qui peuvent être imprimés, c’est facile et économique à faire ! La seule limite dans l’absolu serait le nombre de personnes sur Terre… »

Il prit la relève et poursuivit mon raisonnement :

« C’est ce que l’on appelle une profession scalable, c’est-à-dire sans limite visible. Notre riche auteur de livre n’a eu qu’à écrire un seul livre, tous les autres étaient des copies faciles à produire. Elle en a vendu des centaines de millions, mais elle n’en aurait vendu qu’un seul, le travail pour elle aurait été le même. C’est la même chose pour Bill Gates. Créer le premier Windows lui a fallu des efforts, mais le gain de ces efforts peut être multiplié à l’infini…

C’est ce que l’on appelle une profession scalable, c’est-à-dire sans limite visible.

A l’inverse, une profession non-scalable est limitée. Un boulanger ne peut pas vendre à l’infini, il doit produire au moins un pain par client. Un professeur qui donne des cours à une classe de Terminale S a une profession non-scalable ; mais le même professeur peut donner des cours sur Internet au monde entier et ainsi multiplier les retombées d’un seul de ses cours pratiquement à l’infini… sa profession devient alors scalable grâce au numérique. Je simplifie un peu mais c’est ainsi que le monde d’aujourd’hui fonctionne. »

A l’inverse, une profession non-scalable est limitée.

Je m’interrogeais tout haut :

« Mais une profession scalable est très sujette aux inégalités, le nombre de Bill Gates et de J.K. Rowling n’est pas très grand. »

« Eh oui, l’injustice y est prépondérante. Imagine un jeune artiste de talent qui donne des représentations de piano tous les soirs dans des salles, et qui se fera souffler la vedette par les simples CD d’un pianiste qui est une star auprès de l’opinion publique. Personne ne se déplace voir le jeune novice pour 10€, par contre tous le monde achètera le disque de la « star » pour 15,99€ ! Le monde du scalable c’est l’Extrêmistan, le monde du tout ou rien, du peu de gagnants qui raflent tout, et de l’immense majorité qui n’a rien. Le monde du non-scalable c’est le Médiocristan, le monde de la norme et du limité, mais surtout du moins risqué ! »

Le monde du scalable c’est l’Extrêmistan, le monde du tout ou rien, du peu de gagnants qui raflent tout, et de l’immense majorité qui n’a rien.

On était arrivé. Le bus s’arrêta devant l’hôtel, tout le monde descendit du minibus. Un portier nous ouvrit la porte. Le hall de l’hôtel était splendide !

« Eh bien, je ne regrette pas d’être sans avion ce soir, le cadre est magnifique, et notre discussion fort intéressante ! »

Au moment où je prononçai ces paroles, un des cadres en costard-cravate qui venait de l’aéroport commença à parler très fort, il cria presque. Je vus alors qu’il était sur son téléphone portable. Il sembla abattu par une nouvelle accablante concernant un « coup raté ». Il n’arrêta pas de répéter qu’il a été trop prudent. Trop prudent ?

N.N. me fit sursauter en se mettant à parler subitement juste derrière moi :

« Un coup en bourse qui a raté, je connais bien ce genre de phénomène, j’ai moi-même été trader. Il a dû perdre beaucoup vu l’intensité de ses cris, et je parierai même ma chemise qu’il se croyait totalement à l’abri d’un gros imprévu. Notre pauvre ami a raté son avion et a subit l’attaque d’un Cygne Noir dans la même soirée. »

Je parierai même ma chemise qu’il se croyait totalement à l’abri d’un gros imprévu. Notre pauvre ami a raté son avion et a subit l’attaque d’un Cygne Noir dans la même soirée.

« Un cygne noir ? Qu’est ce que c’est que ça ? »

« Je vais chercher mes clés au comptoir, nous pourrions continuer cette discussion devant un bon repas. Leur restaurant est ouvert ce soir pour les résidents, et je meurs de faim. Rendez vous au buffet à 21h00. »

Il s’éloigna et n’attendit même pas ma réponse. Un cygne noir ? Qu’est ce que ça peut être enfin…

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105

Anna : « Bonjour Alexandre, peux-tu m’aider pour le cours de systémique appliqué aux entreprises, j’étais absente lundi dernier ? »

Alexandre : « Ah bonjour Anna, oui bien sûr je t’ai promis que je t’aiderai. En plus j’ai lu à ce sujet des informations complémentaires qui pourront t’intéresser… »

Anna : « C’est vrai ? C’est génial, je peux te demander tout ce que je n’ai pas compris dans les notes que l’on m’a donné alors ?

Voilà, premièrement je n’ai pas bien saisi ce que signifiait cette note : « Optimiser localement l’entreprise, sans vision d’ensemble, peut causer sa perte ». C’est-à-dire ? C’est un petit peu paradoxal non ? »

Alexandre : « Hum, Anna tu te rappelles des gâteaux au chocolat que tu as fait il y a 2 semaines pour toute la promotion ? Eh bien je crois que cet exemple va nous aider à comprendre.

Imaginons que ton entreprise a pour but de fabriquer et vendre des gâteaux au chocolat. De quoi as-tu besoin ? »

Anna : « D’accord je joue le jeu Alexandre, mais je ne vois pas où tu veux en venir. Alors, il me faut : du chocolat noir, de la farine, des œufs, du sucre, du beurre. Euh, il me faut aussi un moule, un batteur, et bien entendu un four. »

Alexandre : « Maintenant imaginons que tu as un « fournisseur » différent pour chacun des ingrédients de ton gâteau. Par exemple ce sont des amis à toi qui te fournissent en chocolat, farine, beurre œufs, et sucre. Aussi, imaginons que les œufs soient rares par rapport aux autres ingrédients : il t’en manque souvent. »

Anna : « Il me faut 4 œufs pour faire un seul gâteau, ce qui veut dire que je vais devoir attendre qu’on me fournisse d’autres œufs avant d’attaquer la conception d’un autre gâteau. »

Alexandre : « Exact. C’est ce que notre professeur lundi dernier a appelé le facteur en défaut. Tu te souviens de tes cours de chimie ? »

Anna : « Oui bien sûr, il y a toujours un des réactifs qui va limiter la réaction chimique à cause de sa quantité, qui est limitante. C’est le réactif « en défaut ». Les autres réactifs sont dits « en excès », car il n’y en a plus que nécessaire.

Ici, les œufs sont en défaut car leur quantité est toujours limitante, et tout les autres ingrédients sont en excès c’est ça ? »

Alexandre : « C’est ça !

Le Dr E. Goldratt, dans son livre appelé « Le but », appelle ce facteur en défaut la contrainte. Il a d’ailleurs inventé un système d’analyse et de gestion pour les entreprises, appelé Theory of Constraints ou TOC : la théorie des contraintes, en français.

J’ai lu son livre il y a quelques jours, car on nous l’avait fortement conseillé. En fait, Goldratt explique que la première chose à faire dans une organisation, une entreprise ou n’importe quel système, c’est d’identifier la ou les contraintes. Ensuite, il faut coordonner tous les autres facteurs sur cette contrainte, sinon on fait des choses qui ne servent à rien, ou pire, qui nous coûtent trop ! »

Anna : « Si j’ai bien compris, je dois calquer la gestion de la farine, du beurre, du chocolat et du sucre sur celui des œufs alors ? Je dois donc diminuer mon approvisionnement de ces ingrédients pour l’aligner sur la quantité d’œufs que je peux avoir en ma possession. »

Alexandre : « Exactement. Car que se passerait-il si tu te fournissais au maximum pour avoir le plus d’ingrédients sous la main à toute heure ? »

Anna : « Je vais avoir un défaut de stock d’œufs, et un excès de stock de tous les autres ingrédients. Et donc je vais au fil du temps avoir un stock très important d’ingrédients que je vais devoir entreposer dans mon garage, ce qui me prendra de la place. En plus je vais peut être devoir construire un établi dans le jardin pour stocker mes autres affaires car je manquerai de place. Et pour couronner le tout, je viens d’y penser : le beurre sera en excès, mais il faut le garder au frigo. En plus il ne se garde pas longtemps donc, comme je ne vais pas tout utiliser, je vais en jeter. »

Alexandre : « Ça c’est le problème que vivent les entreprises qui n’alignent pas leurs processus sur la contrainte. Ils ont des stocks qui ne servent pas à grand-chose, mais ce n’est pas le pire… Que se passerait-il si tu t’approvisionnais au maximum en ingrédient, avec ton porte monnaie ?


Anna : « Je dépenserais tout mon argent dans mes stocks. Je ne peux pas fabriquer plus de gâteaux au chocolat qu’il n’y a d’œufs. Donc au final je ne peux pas vendre plus de gâteaux au chocolat si j’achète plus des autres ingrédients

C’est ça ! En fait je ne vends rien de plus, j’augmente mes stocks qui m’importunent, et en plus je dépense de l’argent qui ne me rapporte rien sur le moment alors que je pourrais l’investir dans des choses plus directement utile ! »

Alexandre : « Oui Anna, c’est ce qu’on nous a expliqué en cours lundi. C’est là tout le problème pour beaucoup d’entreprises. Ce qui détermine la force d’une chaîne c’est son maillon le plus faible. Renforcer les autres maillons ne renforcera en aucun cas la chaîne !

Dans industrie par exemple, même très petite, il y a une chaîne de machines. Et selon la théorie des contraintes, au moins une des machines est une contrainte : elle limite toutes les autres machines.

Par exemple :

A → B → C → D → E

A, B, C, D, et E sont les machines. Imaginons que C est la machine contrainte. Elle a une capacité plus basse que les autres. Un des plus mauvais réflexes est de faire en sorte que CHAQUE machine soit poussée à la plus grande utilisation de sa capacité totale. C’est une approche locale, qui a perdu de vue le but global du système : avoir le produit de E et le vendre !

En augmentant les performances de chaque machine A, B, D et E, alors que C reste la contrainte, cela provoque quoi ? »

Anna : « En amont, donc avant la machine C, il y aura de plus en plus de stocks de produits non finis qui vont s’accumuler car C est la plus lente. Et en aval, donc après la machine C, les machine D et E seront super performantes, mais tournerons a vide car il faut de toute façon attendre que C ait fini son travail. Il y a donc des investissements pour améliorer les machines qui n’ont servit à rien, des stocks qui coûtent à être entreposés, et enfin la trésorerie qui a diminué pour acheter les matières premières servant a fabriquer ces coûteux stocks… Génial ! »

Alexandre : « En fait, ça serait un peu le même problème si tu avais embauché quelqu’un de très spécialisé pour t’aider à fabriquer tes gâteaux au chocolat : il va couper les plaques de chocolat noir en petits morceaux. C’est son travail. Que se passerait-il si tu le poussais à devenir de plus en plus performant dans la quantité de chocolat noir qu’il peut couper en un temps donné ? »

Anna : « En ayant en tête la théorie des contraintes, le pousser au maximum pour rien ne serait pas malin ! Car s’il coupait plus de morceaux en un temps donné cela ne servirait pas à grand-chose : la contrainte c’est la quantité d’œufs disponibles, pas les morceaux de chocolat coupés ! En plus, si je le poussais à couper plus de morceaux en une heure il lui faudrait plus de chocolat pour tenir le rythme sur la durée et continuer à avoir la même performance : je vais donc me fournir en chocolat plus que de raison et je vais me retrouver avec un tas de morceaux en chocolat qui vont finir par fondre, devant mon moule et moi en train d’attendre mes œufs ! Non en fait je serais une bien piètre manager si je lui demandais ça…

Mais attends, en fait je vais lui demander de ne rien faire de temps en temps en fait… Ou même de ralentir la cadence et d’être moins performant ! C’est bizarre, c’est à la fois logique et complètement absurde ! »

Alexandre : « Ce n’est pas absurde, car ton but et de vendre des gâteaux au chocolat et de gagner de l’argent. Que ton employé soit le roi de la découpe n’est pas nécessaire et peut même paradoxalement te coûter de l’argent ! »

Anna : « D’où la phrase du cours sur les optimisations locales sans la vision globale : cela peut coûter très cher.

En fait Alexandre, mon but ultime dans mon entreprise c’est bien de vendre mes gâteaux et de gagner de l’argent. Je dois donc mes consacrer sur la contrainte du système et l’améliorer !

Bien sûr, je dois faire en sorte d’utiliser le facteur en défaut à son maximum : pas d’œufs cassés, ni pourris. Et encore mieux : faire en sorte qu’il devienne en excès. Comme ça je pourrais fabriquer plus de gâteaux en un temps donné. »

Alexandre : « Voilà, il faut élever la contrainte comme le dit Goldratt. Mais dans ce cas là il se passera une chose inévitable… »

Anna : « La contrainte, ou facteur en défaut, apparaîtra autre part. Ça deviendra le beurre, le chocolat, ou même le four…

Et il ne faut pas oublier que la contrainte peut être en dehors de mon entreprise, par exemple mes clients ! Là je suppose que le rôle marketing est primordial dans la gestion du système…

J’ai compris ce cours Alexandre, merci pour ton aide, c’est un peu difficile à intégrer comme ça mais c’est fascinant cette histoire de contrainte ! »

Alexandre : « Merci Anna. Attends 30 secondes je cherche quelque chose pour toi, c’est dans mes affaires. Il doit être là.

Tiens je te passe un livre qui t’intéressera : c’est de Pierre Jaeck, qui a écrit sur la théorie des contraintes, Lean, Six Sigma, et leur intégration dans une approche systémique. Cet auteur a touché juste pour ce qui concerne n’importe-quelle organisation ! On nous l’a donné lundi comme source à étudier, en même temps que « Le but ».

Et tu verras, il y a beaucoup plus que ce que l’on viens de dire dans l’approche systémique appliqué à la gestion et les marchés d’entreprise. J’ai eu un peu de mal à comprendre ce principe mais une chose est sûre pour moi : notre vision des choses va évoluer ! Et pas seulement dans les entreprises… »

Anna : « Notre vision des choses va évoluer, et dans autre chose que les entreprises ? Tu m’intrigues. Je sais que tu as une idée derrière la tête quand tu as cette expression : alors dis-moi, à quoi tu penses ? »

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Il était tard, et il faisait déjà nuit. Mon tuteur, Michel, et moi avions passé toute la journée à faire le tour des clients que nous devions rencontrer.

« L’école des stratèges » n’était pas une formation de tout repos, surtout lorsque nous passions au stade de la pratique. Pendant 6 jours, l’école m’avait chargé de prospecter seul. L’objectif ? Que je comprenne ce que veut dire « douleur et solitude ». Effectivement j’ai très vite compris : c’est très, très difficile. Se présenter, intéresser, savoir se vendre : ce sont les éléments qui forment le premier maillon d’un système relationnel et professionnel. Sans ce premier maillon de la chaîne, les échanges futurs peuvent être sévèrement compromis.

Quand on est débutant, les prospects ne nous ratent pas. Et les astuces du type « jeune commercial qui sort de l’école » sont repérées à cent mètres, surtout par les prospects qui ont l’habitude d’acheter. Un petit sourire se dessine peu à peu sur leur visage, qui indique subtilement qu’ils nous voient venir avec nos ficelles grosses comme des cordes tressées : « Ah c’est bien gentil jeune homme, je dois vous laisser j’ai un rendez vous important. Vous pouvez reprendre votre paperasse, aller au revoir ! ». Dur, dur…

Oui j’ai compris le message de mon école : pas le choix, il faut être pro ou périr.

 

Michel était justement là pour me montrer la méthode de démarchage du pro. Je l’ai accompagné pendant une journée, et je ne fus pas déçu. Il effectuait ses entretiens commerciaux avec maestria. L’art du conseil et de la vente. Je dis du conseil, parce que Michel répétait souvent qu’il était avant tout un conseiller, et que la vente en découlait logiquement.

Notre journée d’aventure était à présent terminée, et je ressentais bien le contre-coup de cette tournée. Tout le monde dans la rue semblait vouloir se réchauffer, car il faisait déjà froid à cette heure du soir. Nous attendions le tramway depuis 8 minutes déjà et il arriva enfin, annoncé par sa clochette caractéristique. Un peu de repos bien mérité après une journée d’application riche en enseignement !

 

Michel m’annonça : « On va dîner en ville pour parler de ce que tu as appris, ça te vas ? »

 

Je lui répondis que ça me ferait plaisir d’en parler avec lui, il avait beaucoup de chose à m’apprendre.

 

Tout en montant dans le tram, il continua : « Avant d’aborder les détails tout a l’heure, j’ai une question bien précise à te poser. As-tu remarqué quelque chose de spécial dans ma façon de me présenter, au tout début de mes entretiens ? »

 

« Oui, tu avais tendance à faire dans le spectaculaire, ou même dans le slogan publicitaire presque… »

J’avais encore en tête le tout premier rendez-vous de la journée, où je fus plus que surpris, Michel s’était dirigé vers un restaurateur, et la scène s’est passée exactement comme ça :

 

« Bonjour Monsieur, lui dit Michel tout en le regardant droit dans les yeux. Je suis venu vous rencontrer dans le but de vous vendre un aspirateur exceptionnel ! »

Alors le restaurateur lui dit aussitôt qu’il n’était pas intéressé, car il avait déjà de quoi nettoyer. Ce n’était pas étonnant.

Michel repris juste derrière : « Je comprends bien Monsieur. Je ne vends pas un aspirateur pour faire le ménage, au contraire, je suis venu vous vendre un aspirateur à clients ! »

Le restaurateur fut visiblement surpris de la réponse, peut être autant que moi d’ailleurs ! Ça c’est ce que l’on appelle surprendre son auditoire !

Michel poursuivit : « Regardez ce document, elle représente tous les résultats obtenus par des restaurateurs de renoms avec notre méthode de marketing en 5 étapes. »

Ensuite l’entretien se poursuivait : Michel se présentait en bonne et due forme, et éveillait le plus possible l’intérêt du prospect, avec une forte conviction et des arguments solides. Le restaurateur l’écoutait avec attention…

 

Michel me dis : « Tu vois Alexandre, tu dois absolument avoir en tête une phrase clé. Une phrase qui résume ton travail, ton but, ta raison de te lever le matin. Cette phrase clé doit être simple et percutante. Elle doit toucher ta logique et tes émotions. Tu dois toujours, je dis bien toujours, même en plein milieu d’un entretien, pouvoir te demander si tu réponds à ta phrase clé. C’est un phare. Cette idée clé doit être présente dans ton esprit à chaque instant, pour toi, mais aussi pour ceux à qui tu te présentes. Tu dois les intriguer, toucher leur imagination et leurs émotions.

D’ailleurs, pour te donner un exemple, lorsque j’étais conseiller en investissement à mon compte, je me présentait aux autres en commençant seulement par ces simples mots : « Je suis effaceur d’impôt ». Alors les gens me demandaient presque systématiquement : « Comment ? Effaceur d’impôts ? C’est possible ? Qu’est ce que ça veut dire exactement ? »

Et là, j’avais déjà réussi à intriguer, à intéresser. Dans ma tête, ma phrase clé était celle-ci : J’augmente les capacités financière de mes clients, et j’améliore durablement leur qualité de vie.

 

Je réfléchis quelques instants et répondis à Michel : « Je sais ! J’ai trouvé ma phrase clé :

J’apprends aux gens à maîtriser le système, pour créer une vie de rêve ! »

 

« Oui, c’est ça Alexandre, tu as bien saisi la base de toute confiance en soi : ton idée clé. Tu dois la soigner comme un slogan publicitaire » dit-il avec un clin d’œil.

 

Le tram ralentit peu à peu en approchant de l’arrêt numéro 12. J’entendis le signal caractéristique : un doux tintement de clochette, suivit par la voix suave de l’hôtesse virtuelle qui indiquait le nom du prochain arrêt. Le temps est passé vite avec cette petite discussion.

Je vis par la fenêtre l’enseigne lumineuse du restaurant où nous allions manger ce soir : « Mais c’est le restaurant de ce matin ! » dis-je un peu surpris à Michel. Il me regarda avec un petit sourire « Eh oui Alexandre, maintenant que le patron a signé ce matin et qu’il est devenu un de mes clients, nous pouvons dîner chez lui pour mieux connaître sa façon de gérer son entreprise tu ne crois pas ? Il faut toujours joindre l’utile à l’agréable, toujours, c’est le secret de l’efficacité ».

Je rigolai intérieurement, décidément Michel est surprenant comme type. Je lui rendis son petit sourire pour lui indiquer que je comprenait ce qu’il voulait dire, et me levai en même temps que lui pour descendre.

Il me restait encore beaucoup à apprendre ce soir. Je sentais qu’avec un enseignement comme celui de Michel, le lendemain serait très productif.

« Douleur et solitude », vous ne resterez pas bien longtemps en place, la connaissance et la pratique vous balaieront !

 

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« Bonjour Lionel, j’ai une question pour toi, et elle est ardue »

« Bonjour Alexandre, tu vas bien ? Alors quelle est ta question ardue dis-moi ? »

J’étais presque certain que Lionel aurait des réponses à mon interrogation. On ne l’avait encore jamais abordée ni cours théoriques, ni en applications pratiques.

« Quelles sont les qualités d’un grand stratège ? »

Il me regarde alors avec ce petit sourire qui en dit long, la réponse ne doit pas être simple…

« Hum… Alexandre cites-moi 2 grands stratèges dont tu as lu les écrits et que tu connais bien ? »

« Eh bien il y a Sun Tzu bien entendu ! Ensuite il y a Clausewitz, qui est tout aussi génial mais dans une pensée un peu plus occidentale. »

« Ce sont deux monuments de la stratégie en effet. Ce sont deux excellents modèles d’ailleurs. Alors je vais pouvoir te parler des qualités d’un grand stratège, écoutes bien.

Tout d’abord, le stratège possède l’esprit du « guerrier ». Surprenant de voir cela alors que l’on ne parle pas de campagne de guerre ? Non, ça ne l’est pas, car même dans le milieu de l’entreprise et du dépassement de soi, cet esprit est profondément nécessaire. Regardes plutôt, voici ses principales caractéristiques :

  • Il possède une grande cause, noble, pour laquelle il se bat.
  • Il est un conquérant, qui possède le désir d’aller au contact de l’autre, fait corps avec sa cause et fait preuve d’une extraordinaire ténacité. Aussi, sa parole le lie à son destin.
  • Il connaît l’art des renversements et des retournements de situation. Il est prêt à envisager toutes sortes d’éventualités.
  • Il est animé d’une très grande conviction et d’un profond sang-froid. Il est fidèle et a un véritable respect des engagements mutuels.
  • Il ne joue pas de rôle, il incarne totalement sa cause en paroles et en actes. Il sait déjouer toute hypocrisie ou faux semblant.
  • Il a un véritable don pour transformer une obéissance réglementaire en adhésion sans faille. Il sait stimuler les émotions et les désirs d’honneur et de gloire.
  • Il possède une grande disponibilité à l’écoute de l’autre ainsi qu’à sa propre autocritique.
  • Il est par certains côtés l’homme de la démesure, car il veut aller loin. Mais il sait également qu’il est limité par ses devoirs et un certain ordre, qu’il s’est fixé à lui-même pour pouvoir atteindre son but de manière organisée.
  • Il faut mériter sa confiance, et lorsque l’on a mérité sa confiance il établit une relation privilégiée.
  • Enfin, il accepte les dangers, inhérents à toute vie humaine. Car il sait que la victoire ne s’obtient qu’en s’engageant, et que ne pas atteindre son but serait le plus grand et le plus douloureux des dangers.

« Ça c’est pour la combativité du stratège, tu me suis Alexandre ? Alors maintenant je vais te donner ce qui est, à mon sens, ses autres caractéristiques indispensables :

  • Il a un grand esprit de méthode, pour prévoir avec minutie les scénarios du possible.  En parallèle, il garde toujours en tête que certaines choses sont et seront toujours imprévisibles, ces choses faisant partie du « brouillard » et de la « friction » dont parle Clausewitz.
  • Il possède une curiosité peu commune, et bien dirigée. Il sait se renseigner, étudier, approfondir.
  • Il a du discernement et une grande lucidité pour faire des choix. Il sait réfléchir calmement et prendre des décisions.
  • Il a de l’assurance, est brave et possède un enthousiasme communicatif.
  • Il sait prendre sur lui et fournir les efforts qui sont nécessaires. Il se met à contribution et possède la vertu de s’engager vite et fort si c’est nécessaire.
  • Il sait encaisser dignement les revers qu’il rencontre. Si c’est nécessaire, il adapte sa stratégie en conséquence sur le champ.
  • Il possède humilité, esprit de fraternité et est un excellent communicant, afin de pouvoir mobiliser n’importe quel groupe.
  • Il a une grande droiture et un intense sens des responsabilités. Il assume les résultats.
  • Enfin, il possède un sens aigu de l’adaptation, de l’invention et de l’audace.

« Donc pour résumer, poursuivit Lionel, un excellent stratège a un objectif de valeur, il sait réfléchir avec discernement, il a du caractère, il a du charisme, il passe facilement à l’action et il sait se corriger.

J’ai d’autres choses intéressantes à dire lors de mon cours de la semaine prochaine, à propos des stratèges. Je sais que tu seras là Alexandre, et tes collègues en profiteront également ! »

Sources :

  • Lionel Bellenger, « Agir en stratège, les enseignements de Sun Tzu au service de votre réussite », esf Editeurs
  • Sun tzu, « L’art de la guerre », Champs Flammarion
  • Carl Von Clausewitz, « De la guerre », tempus

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Mon premier cours de systémique. On m’a bien signifié l’importance de cette partie de ma formation. J’essaye de me concentrer au maximum.

Après sa présentation, mon professeur commença à parler :

« La systémique, c’est l’étude des systèmes. Ce mot, systémique, résonnera dans votre esprit toute votre vie durant. La systémique enseignée ici est une science, car elle est une manière de raisonner. Elle permet ainsi d’agir de manière efficace et sûre.

A présent, commençons par ses règles de bases.

  1. La systémique est une représentation du monde, ou une modélisation diront certains. Elle utilise l’approche scientifique. Elle est rigoureuse. Elle pose des hypothèses, elle teste, elle mesure, elle interprète, elle conclue.
  2. La systémique utilise toujours le concept de processus. Un processus est un évènement définit spatio-temporellement. Le but est de représenter les fonctionnements d’une manière absolument dynamique.
  3. Les processus sont de trois sortes : « C » pour changement, « E » pour espace, « T » pour temps. Un processus T ne change pas d’espace relativement aux autres processus pris en compte, il ne se déplace que dans le temps. Un processus E change d’espace relativement aux autres. Les processus C enfin effectue une transformation, c’est-à-dire que les processus internes, ou « sous-processus », vont changer les uns par rapport aux autres.
  4. La systémique compare les processus entre eux. Cela signifie que si un phénomène ressemble à un autre dans ses causes et ses effets, c’est que les processus sont similaires. Il y a des degrés de similarité, en fonction des éléments communs et différents qui composent les processus.
  5. Les processus qui composent le système sont des boîtes noires. On ne sait jamais exactement ce qui se passe à l’intérieur, car parfois est inutile de chercher à l’intérieur. Car l’énergie dépensée à analyser l’intérieur d’une boîte noire peut être supérieure à l’énergie gagnée par l’apport de cette analyse.

Voilà les 5 premiers points.

Maintenant je vous laisse quelques minutes pour réfléchir aux implications de ces points. Allez-y. »

Il a été un peu vite je trouve. Je profite de ces minutes accordées pour me concentrer sur mes notes et raisonner.

– Le premier point tout d’abord. La représentation et l’approche scientifique, ça me paraît parfaitement logique. Si dans cette école ils construisent des stratégies, je suppose que toutes leurs stratégies s’appuient sur une représentation du monde. Et plus cette représentation s’appuie sur des connaissances solides, plus elle sera utile.

– Bon d’accord, maintenant le deuxième point. Un processus, des causes et des conséquences, des entrées et des sorties, ça me rappelle quelque chose. Et tout ce qui est défini scientifiquement est défini dans l’espace et le temps. Les quatre dimensions, trois spatiales et une temporelle, ça me paraît logique également.

– Les processus en question sont identifiés en trois catégories. Certainement pour pouvoir leur accorder un rôle dans le système global. Des processus constants, avec du temps et de l’espace. Des stocks et du déplacement je suppose. Et un troisième processus de changement, ou de transformation.

– Il a dit de comparer les processus entre eux, de voir les similarités et les différences. Hum, les similarités…on m’a dit que c’était ce qui donnait à la systémique sa grande souplesse, car elle peut transposer des connaissances d’un domaine à un autre, une pluridisciplinarité en fait. Ensuite elle identifie les différences. C’est également important pour ne pas appliquer ces connaissances sans les modifier pour les besoins d’un système spécifique.

– Enfin, cette histoire de boîte noire. Cela vient des sciences cybernétiques peut être. On ne doit pas extrapoler ce qu’il y a dans un processus. Un médecin doit guérir un patient. Selon les circonstances, il doit regarder ou non plus en détail. Plus de détails nécessite plus d’énergie pour identifier ces détails, donc il y a moins d’énergie pour identifier les processus extérieur. Mais je n’ai pas eu le temps de finir ce raisonnement…

« Alors, j’aimerais que l’on parle en précisément de ces premiers concepts, reprit le professeur. Je sais que ce n’est pas évident, mais vous êtes ici pour vous instruire, réfléchir, intégrer de nouvelles données et transformer votre esprit. Rappelez-vous, vous irez loin uniquement si vous n’abandonnez pas devant les difficultés. »

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C’était un homme impressionnant. John, c’est ainsi qu’il se nommait, était en train de nous enseigner un point capital. Ou, je dirais plutôt, ce qui était d’après lui LE point capital de la réussite auprès des hommes : le leadership.

Nous étions en petit comité : 9. Pas un de plus accepté. Pourquoi ce tri ? En fait je ne me suis pas posé la question très longtemps : je m’en moquais à cet instant, j’étais content et fier d’être là. Et dès ses premières paroles ses ambitions pour nous étaient parfaitement claires : il voulait élever notre influence, créer des leaders digne de ce nom. Rien que ça !

« Un leader sait mener et diriger. Savez-vous réellement mener et diriger, nous demanda-t-il ? Un leader sait où il va et où il mène les autres. Savez vous où vous allez vous-même ? Peu de gens savent réellement le faire. Certains ont le goût du pouvoir, uniquement, alors ils dirigent et mènent les autres. Mais vers où ? D’autres savent ce qu’il faut atteindre comme but, comme finalité. Mais ils sont incapables de mener les hommes vers ce but. Ils sont seuls et ne font que se promener. Alors, quelles sont les qualités d’un leader ? Notez bien les quelques attitudes que je vais citer, elles sont révélatrices :

  • Un leader initie. Un suiveur réagit.
  • Un leader dirige, établit des contacts. Un suiveur écoute et attend qu’on le contacte.
  • Un leader élabore des stratégies, et anticipe. Un suiveur passe son temps à vivre au jour le jour en réagissant aux problèmes.
  • Un leader investit du temps avec les autres. Un suiveur passe du temps avec les autres.
  • Un leader gère son temps suivant les priorités. Un suiveur gère son temps suivant les demandes. »

Je me mis à rêvasser quelques instants. En fait, ce dernier point me dit quelque chose. Ah oui. Un auteur assez hors norme, Tim Ferriss, qui a écrit « La semaine de quatre heures ». L’auteur, lassé de devoir effectuer des tonnes tâches inutiles et contre-productives, a décidé de faire un tri draconien dans ce qu’il effectuerai. Il a démultiplié son efficacité, et surtout sa santé mentale ! Décidément cet auteur me fait beaucoup penser à Ernie Zelinski, qui a décrit l’art du créatif efficace et…paresseux. Inhabituel, intrigant, et instructif. Quelles sont les priorités ? Qu’est ce qui est important ? Qu’est ce qui est urgent ? Et surtout, qu’est ce qui est important ET urgent ?

John continua de parler :

« L’autodiscipline est une qualité importante du leader. Sans discipline, le talent ne sert à rien. L’auteur H. Jackson Brown fils avait dit en plaisantant : « Le talent sans discipline est comme une pieuvre sur des patins à roulette. Il y a beaucoup de mouvement, et vous ne savez jamais si elle va en avant, en arrière ou de côté. » Vous devez savoir vers où vous allez, et comment vous allez vous y prendre. C’est l’art de la stratégie d’action, vous connaissez ça par cœur.

Vous devez avoir une vision à communiquer. En fait, tout le monde parle de vision en entreprises de nos jours, à croire que l’ophtalmologie est l’étude préférée des managers. Mais réfléchissez attentivement, le concept de vision existe déjà depuis des millénaires. C’est le point de mire de toute motivation humaine : la finalité, grande, impressionnante, créatrice. Les religions elles mêmes s’appuient sur une vision, une finalité. Le leader doit avoir une vision à communiquer. Sa vision est de grande portée, s’étend sur le long terme, et ajoute une véritable valeur au monde. Elle va au-delà des simples préoccupations personnelles. Elle inclue tout, et tout le monde. Elle est grande, imposante d’évidence. Et par-dessus tout : elle doit motiver, toujours motiver.

Vous devez inspirer confiance aux autres. Votre vision éveille l’intérêt des autres, et la confiance que vous leur inspirez leur permet de vous suivre. Un leader dois avoir trois qualités essentielles pour créer la confiance : la compétence, l’écoute, et la force de caractère. La force de caractère communique des messages importants : l’uniformité de conduite, le potentiel, et le respect.

Conférez aux autres des pouvoirs, à la mesure de leur potentiel.

  1. Evaluez-les. Evaluez leur désir, leurs connaissances et leur habileté.
  2. Servez-leur de modèle. Les personnes à qui vous voulez conférer des pouvoirs doivent voir ce que signifie voler de ses propres ailes. Vous êtes un mentor pour eux, et vous devez enseigner.
  3. Donnez-leur la possibilité, et la permission de réussir. En vous attendant à la réussite et en verbalisant vos attentes.
  4. Transférez-leur votre autorité. Et c’est bien plus que déléguer des tâches je précise ! Ils doivent obtenir du pouvoir grâce à vous.
  5. Montrez publiquement la confiance que vous avez en eux.
  6. Donnez-leur une rétroaction. Je veux dire par là que vous devez les rencontrer en privé pour leur signaler leurs fautes et leurs erreurs de jugement. Et applaudissez chaque progrès qu’ils font, les gens font ce qui leur attire des éloges.
  7. Libérez-les pour qu’ils continuent seuls. Dès qu’ils sont prêts, donnez-leur le plus possible de liberté, d’autorité et de responsabilité. »

Il va vite, mais il a certainement beaucoup à dire. Je regarde mes notes pour avoir une vision plus claire de tout ce qu’il voulait communiquer. Cela fait à peine un demi heure que John parle. Et il faut absolument que je j’intègre le plus de choses pour progresser dans mon propre leadership. Voici les points importants que j’ai notés :

  • Suivre une vision et entraîner les autres avec soi.
  • Produire un message durable.
  • Etre discipliné pour améliorer continuellement son caractère et ses résultats.
  • Créer une base solide de confiance.
  • Renforcer la loyauté de ses collaborateurs.
  • Dynamiser les autres en étant un mentor de qualité.
  • Savoir donner du pouvoir aux autres, les rendre grands.

John donna dans l’heure et demie qui suivit un tas d’anecdotes et d’exemples de leaders. Il nous donna une foule des détails sur les attitudes qui les caractérisent. Il nous parla de sa propre vision, de ses expériences. Tous ces récits étaient comme un subtil mélange de comportement humain, chaud et vivant, et de froid fonctionnement économique et social. Il nous expliqua comment comprendre simplement les attitudes des gens, en utilisant un raisonnement complexe. Un raisonnement systémique en fait, expliqué à sa façon…

John finit de cette façon. « Il y a un dernier point important, annonça-t-il avec gravité. Un point tellement nécessaire, et pourtant cruellement oublié. Un leader digne de ce nom met toute une vie à se perfectionner, à obtenir de l’influence pour changer le monde qui l’entoure. Mais il doit prévoir sa sortie de scène. Il ne va pas exister éternellement. Eh oui, malheureusement tout a une fin, même vous. Vous devez donc former des successeurs, qui prendront la relève et continueront votre projet. Eux-mêmes s’amélioreront continuellement et formeront des successeurs. Ainsi votre vision deviendra atteindra réellement la grandeur. »

Il y avait de quoi réfléchir. Une vision qui s’étendrait sur plusieurs générations ? Ça, on peut dire que c’est de la vision à long terme, ou je ne m’y connais pas. Mais je comprends très bien où il veut en venir. Pratiquement tout les anciens de cette école m’ont parlé de cette notion de constante amélioration. Le mot kaisen en japonais traduit cette notion de croissance constante de la qualité. Une notion qui a abouti à un succès économique impressionnant. La qualité de vie rentre aussi dans l’objectif d’une constante amélioration.

Je pense que John veut aussi faire passer ce message. Le progrès constant, c’est la vision d’un vrai leader. C’est une finalité à long terme. Le leader voit sur des centaines d’années, voir plus. Il trouve le moyen de construire une tour vers ce rêve. Le leader partage ce rêve et motive les autre à l’aider à construire la tour. Ensemble, ils n’auront peut être que le temps de construire les fondations, mais ils profiteront tous d’une hauteur toujours plus grande. Ils s’élèveront, profiteront d’une vie grandie. Et après eux d’autres continueront leur ouvrage.

Sources :

  • John C. Maxwell, « Leadership 101, principes de base, ce que tout leader devrait savoir », Un monde différent

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– Professeur : Vous désirez une voiture haut de gamme ? Vous voulez acheter un modèle BMW ou un modèle Mercedes ? Vous hésitez. Vous ouvrez un magazine et découvrez cette publicité qui tombe juste au bon moment :

« BMW ou Mercedes ? Il y a de nombreuses raisons de choisir une BMW. Pouvez-vous en donner dix ? »

Lors d’une étude menée par Michaela Wänke et son équipe, cette publicité a été montrée a des étudiants en économie. A un autre groupe d’étudiants de la même université, on a montré une publicité très légèrement différente :

« BMW ou Mercedes? Il y a de nombreuses raisons de choisir une BMW. Pouvez-vous en donner une ? » (L’accent est mis sur le dernier mot).

Ensuite, on a demandé aux étudiants de donner leur avis sur les deux marques. On leur a demandé également de dire quelle marque de voiture ils seraient prêts à acheter plus tard. Le résultat est net :

    Pour ceux qui ont vu la première publicité (avec les dix raisons à donner) ils préféraient la marque Mercedes à BMW (contrairement au but de la pub).

    Pour ceux qui ont vu la seconde publicité, leur préférence allait à BMW plutôt qu’a Mercedes.

Qu’est ce que cette étude vous inspire comme réflexion ?

– Émilie : Les gens ont été plus influencé par la pub dans laquelle on ne leur demandait de réfléchir qu’a un seul argument au lieu de dix.

– Professeur : Oui et, à votre avis, pourquoi ce phénomène s’est produit ?

– Jérôme : Je sais, les personnes n’aiment pas réfléchir ! (Rires étouffés dans la salle)

– Professeur : Bien Jérôme, ce n’est pas exactement ça, mais tu n’est pas très loin. En fait, les psychologues parlent d’aisance pour qualifier ce phénomène : plus une tâche est simple à effectuer, plus le jugement sera positif.

Trouver un seul argument est simple, cela suffira à convaincre la personne qui l’a trouvé que BMW est meilleur. D’autant plus que, comme c’est lui qui a trouvé l’argument, il ne peut être que convaincant !

Maintenant si on nous demande de donner dix arguments différents en faveur de BMW, cela devient très difficile, surtout quand on ne connaît pas bien les caractéristiques de la marque. La tâche devient réellement ardue, et anti-publicitaire. Non seulement nous ne sommes pas convaincus car nous ne voyons pas tous ces aspects positifs, mais en plus nous sommes frustrés de ne pas pouvoir réaliser cette tâche.

Pouvez-vous aller plus loin dans ce raisonnement ?

– Alexandre : Les gens aiment quand ils peuvent s’imaginer facilement dans une situation agréable, leur jugement et également plus positif. Expliquer à un client comment il peut devenir propriétaire et baisser ses impôts en utilisant à son avantage les lois fiscales n’est pas une tâche facile ! Par contre ça sera plus facile dans une situation différente : je décris à un client de quelle manière il va passer des vacances de rêves sur une île paradisiaque avec sa famille, où il entendra la bruit des vagues qui s’abattent sur une plage de sable fin, sentira l’odeur des embruns, se détendra au soleil des tropiques et à l’ombre des palmiers… tout ceci grâce à une augmentation importantes des bénéfices de sa propre entreprise.

– Professeur : Oui, c’est le même phénomène Alexandre. Les situations complexes doivent être rendues concrètes pour des clients, ou même les membres de votre famille si vous voulez les séduire par les joies des vacances à la montagne…

Restez toujours simples et concrets face à vos interlocuteurs, c’est capital.

– Jérôme : S’il vous plaît, j’aimerai vous poser une question concernant la difficulté d’une tâche. Ne pourrait-on pas demander à des clients de donner un grand nombre d’arguments en faveur des produits et des services d’un concurrent ? De cette façon la faveur des clients n’ira pas à ces concurrents et il nous suffira de demander ensuite au client une seule bonne raison de travailler avec nous.

– Professeur : Ah, Jérôme, je te reconnaît bien là ! Tu as donc si peut confiance en tes propres capacités que tu veux éliminer tes concurrents ? (Rires collectifs)

En fait la technique d’élimination que tu décris est déjà utilisée par certains professionnels du commerce et de la pub. Ce n’est donc pas original, dommage pour toi.

– Alexandre : En fait Jérôme a toujours eu certains instincts de guerrier ! Mais rappelles-toi ce dont nous avons parlé lors de notre partie d’échec ce matin, le but est d’attraper le roi, pas d’éliminer toutes les autres pièces ! Tu as perdu la partie à cause de ton instinct guerrier (sourire).

– Professeur : Belle métaphore du jeu d’échec Alexandre. Bien que je sache pertinemment que ton instinct de conquête est aussi bel et bien présent, sauf que tu sais mieux le gérer que ton collègue. Certainement depuis tes épreuves de stratégie de l’année dernière.

– Alexandre : Ou aussi lors de notre étonnante partie de « jeu de go »…

– Professeur (en souriant) : Bon à présent continuons notre apprentissage.

Sources :

  • N.J. Goldstein, S.J. Martin, R. B. Cialdini, « Yes ! Devenez un as de la persuasion », L’entreprise

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