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Journaliste : Certaines personnes affirment sérieusement que Franck Roid, à l’âge de seulement 28 ans, est l’un des plus grands leaders du monde moderne. Que pensez-vous de cette affirmation ?
Franck Roid (d’abord un peu surpris, puis le sourire aux lèvres) : Eh bien, je pense que le leadership d’une personne s’évalue au nombre et à la qualité des gens qui la suivent. Mais les personnes qui cherchent en quelqu’un un leader se trompent, il y a plus noble que le leader je pense.
Journaliste : Quel est cet individu « plus noble » ? Vous éveillez ma curiosité.
Franck Roid : Un grand homme doit donner du pouvoir aux gens. Il doit les aider à être maîtres de leur vie et non qu’il se rende maître de leur vie… J’essaye à tout prix de tendre vers cet idéal.
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Partie 1
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Le lien
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1
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– Tu vois ces trois étoiles alignées Franck ? C’est la ceinture d’Orion. Et on reconnaît bien l’étoile un peu rouge qui est là, tu la vois ? Celle-là c’est Bételgeuse. Elle est l’une des plus brillantes car c’est une « supergéante rouge », un soleil qui est en train de mourir.
Franck avait 8 ans, et il buvait les paroles de son père. Ils étaient tous les deux sur la terrasse de leur maison, située dans un petit village du Var. Il n’y avait aucune grande ville à moins de quarante minutes de route, et la pollution lumineuse y était donc inexistante.
« Le ciel est magnifique » pensa son père pendant qu’il savourait ce moment de partage avec son fils. Depuis toujours passionné par l’astronomie, son père avait entrepris pendant ces dernières semaines d’enseigner le nom et la localisation de chaque étoile et constellation à son petit garçon.
– Papa ?
– Oui Franck ?
– Pourquoi les étoiles forment des personnages ? Ce n’est pas normal…
Son père rit aux éclats en cette nuit profondément silencieuse, puis répondit :
– Ils ne forment pas des personnages Franck. Du moins pas vraiment. Pendant l’antiquité, il y a très longtemps, nos ancêtres avaient tracé des connexions entre les étoiles proches les unes des autres, des lignes imaginaires pour leur donner une forme reconnaissable. Y apercevoir un lion, un scorpion ou un ours leur donnait une nouvelle compréhension, un vrai sens à ce qu’ils voyaient. Et cela devenait tellement plus vivant pour eux !
Franck observait avec émerveillement la voûte céleste d’une encre noire sur laquelle scintillaient des centaines de diamants. Il se repassait en boucle les dernières paroles de son père : un écho qui reviendrait des années plus tard…
– Les garçons vous rentrez maintenant, il commence à se faire tard, annonça la mère de Franck adossée sur le pas de la porte-fenêtre.
– On arrive chérie, répondit le père en regardant l’enfant qui était toujours absorbé par le ciel illuminé.
« Il est si curieux… et impossible de deviner à quoi il cogite » se dit-il en prenant doucement son fils par l’épaule pour le raccompagner à l’intérieur.
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Trois semaines plus tard, un camion qui avait la mauvaise habitude de couper tous ses virages roulait très dangereusement sur une petite route des montagnes varoises, et inévitablement ne vit pas la voiture qui arrivait en face : le père de Franck la conduisait, sa femme à ses côtés.
Son père fut tué sur le coup, pendant que Franck, avec innocence, jouait à chat perché dans la cour de l’école.
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Journaliste : A vos yeux, que représente la vie ?
Franck Roid : La vie en général vous voulez dire ? En fait, je trouve qu’elle est fascinante : qu’une seule et même molécule, l’ADN, se soit frayée un chemin à travers des milliards d’années pour créer tout ce foisonnement de vie, et avoir engendré au détour l’intelligence humaine… c’est tout bonnement stupéfiant ! Cette intelligence est née par hasard et elle est tellement… improbable. Je pense que l’on doit rendre honneur à ce don de l’évolution et non le traîner dans la boue.
Journaliste : Et pour ce qui est de la vie des êtres humains ?
Franck Roid (après un silence) : Notre vie est fragile. Nous devons créer et transmettre, car au final, c’est tout ce qu’il subsistera de nous…
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2
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– Non, s’il te plait Marine, ne me laisse pas tomber, pas maintenant…
– Je suis désolée Franck, dit la voix de Marine à travers le combiné du téléphone, on est trop loin l’un de l’autre maintenant. Au lycée on se voyait tout le temps, mais là avec tes études à Nice et les miennes à Montpellier. . . pour moi, c’est trop me demander. J’ai essayé, mais je ne peux vraiment pas m’y faire tu comprends ? On doit arrêter cette relation, elle ne rime plus à rien.
– Pour toi.
– Oui pour moi ! dit-elle d’une voix grave et agacée. Mais si tu m’aimais vraiment, tu ferais ce qui est le mieux pour moi tu ne crois pas ?
Une minute passa sans que ni l’un ni l’autre ne prit la parole. Marine était quelqu’un de très proche, et ce silence, ce malaise, minait littéralement le cœur de Franck.
– Je… je te laisse Marine, je dois me retrouver un peu seul maintenant, finit-il par répondre d’une voix faible et apparemment très affectée.
Elle était devenue sa petite amie en classe de première S, où ils se sont rencontrés. C’était une charmante fille rousse aux yeux vert et jaune (le jaune était au centre, et il trouvait que cette combinaison de couleur était stupéfiante) et à la peau blanche parsemée de petites taches de rousseur (il la taquinait d’ailleurs souvent à propos de ceux qu’elle avait sur le nez).
En repensant à cette dernière conversation si désagréable, Franck ressassait ses idées noires : « Deux ans ! Rayés de l’histoire en une seule conversation téléphonique ! Je ne sais vraiment pas si elle a inventé cette histoire d’éloignement géographique comme excuse pour faire bonne figure, ou ne pas me blesser, très ironiquement… ou encore si elle y croit vraiment… Et ces cours de première année de médecine, je n’en parle pas ! C’est pour ça que je suis ici à me morfondre ? On apprendrait le bottin téléphonique ça serait pareil… Moi qui aime le raisonnement et la fine intelligence, ce n’est pas cette année que je serai servi apparemment. »
Il avait à présent 18 ans, il mesurait 1m79 et était plutôt mince. Il avait les cheveux sombres de son père, le bas du visage plus doux hérité de sa mère, et surtout, des yeux d’un noir profond, un regard si perçant que sa mère pensait à chaque fois : « Il transpercerait les murs avec ces yeux là ».
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La mère de Franck était retournée depuis trois mois et demi à l’hôpital, où elle suivait une intense chimiothérapie. Elle avait déjà eu une tumeur maligne il y a huit ans de cela, qui d’ailleurs avait été opérée avec succès. Malheureusement, d’après les médecins, cette tumeur avait dû faire des métastases : les poumons, qui voient passer la plupart de la circulation du corps, ont été touchés par les cellules malignes. Et malheureusement, la chimiothérapie était inefficace : le temps lui était compté.
Franck alla la voir le jeudi qui suivait la rupture avec Marine. Les médecins l’avait appelé pour lui demander de venir au plus vite, ce qui laissait clairement entendre la suite des événements…
On entendait des trombes d’eau s’abattre contre la vitre de la petite chambre, qui possédait évidemment ces affreux néons donnant cette lumière crue et d’un blanc laiteux typique des centres hospitaliers. Franck préférait ne pas penser à ce qui se déroulait à chaque minute qui passait, à ce qui était pourtant évident, et voulait à tout prix détendre l’atmosphère très lourde de cette fin d’après-midi. Il le faisait pour sa mère, mais aussi et surtout, pour lui. Ils parlaient tous deux en plaisantant depuis déjà deux bonnes heures, mais sa mère était très faible :
– Franck, on ne peut pas faire comme si de rien n’était, pas maintenant… Je sais que tu m’en as toujours voulu après la mort de ton père, lorsque je me suis laissé emporté par le chagrin. Cet homme qui venait, il était là pour me redonner de l’espoir tu comprends ?
– Non, coupa-t-il en regagnant son sérieux, il t’a au contraire enlevé tout le mérite de vivre, il parlait soi-disant avec les morts, non mais tu te rends compte maman ? Tu te rends compte qu’il t’as pris le peu d’argent qu’il nous restait pour vivre ! Et tu lui as donné volontiers en plus ! Il rentrait chez nous, t’arnaquait avec ses paroles mielleuses pendant que tu étais faible psychologiquement, et il t’a laissé tomber du jour au lendemain alors que ton cancer avait été diagnostiqué.
– C’était une erreur Franck mais s’il te plait, ne m’en veux plus pour ça.
– Tu le laissais rentrer chez nous et nous voler, alors qu’il portait lui-même un costume trois pièces, et il faisait semblant de… de parler avec papa… dit-il la voix étranglée, imprégnée de colère et de tristesse.
Sa mère lui tendit la main, Franck la prit en essayant de réfréner son chagrin.
– Mon fils, pardonne-moi pour ces moments où je t’ai laissé tomber, s’il te plait.
Il se passa plusieurs secondes, qui parurent interminables…
– D’accord maman, ce n’est plus le moment de toute façon, répondit-il en essayant vainement de sourire.
Étrangement, les minutes s’écoulèrent à présent très vite, dans le silence, et Franck sentit alors que quelque chose n’allait pas…
– Maman ? MAMAN ?
Les infirmières rentrèrent en trombe dans la chambre pour s’occuper de sa mère et des appareils… Mais le cœur ne battait plus… et ne battra plus.
Franck pleura pour la première fois depuis dix ans.
– Maman… continua-t-il d’appeler timidement, le cœur ravagé par la tristesse, en lui prenant la main et la serrant au creux des siennes. Mais il appelait en vain…
Il était seul maintenant… Il était tellement seul…
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Journaliste : Quelle études avez-vous faites ? Beaucoup se posent la question.
Franck Roid : J’avais commencé par faire une année de médecine mais le moins que l’on puisse dire c’est que la première année est abrutissante. Je me suis réorienté vers ce qui me stimule intellectuellement : la biologie.
Journaliste : La biologie ? C’est assez surprenant quand on voit ce que vous faites à présent… non ?
Franck Roid : Oh non, tout est parfaitement logique en réalité. Le biologie touche à toutes les sciences et est plutôt complexe. La génétique, la neurologie, les mécanismes de l’évolution, le rôle de l’environnement… Ce parcours scientifique a beaucoup influencé ma pensée et mon cheminement.
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