Cet article est né d’une invitation.
Faysal, auteur du blog Du rêve Au Concret, m’a demandé d’écrire pour ses lecteurs un article sur la stratégie systémique. Je tiens à le remercier ici pour l’intérêt qu’il porte à mon travail, et je vous recommande également de lire ses articles très instructifs.
J’ai alors écrit un petit article de présentation de la stratégie systémique, sous forme de dialogue, avec deux exemples simples pour rester compréhensible.
Bonne lecture !
Personnes curieuse : – Si quelqu’un veut réussir dans un domaine particulier, pourquoi utiliserait-il ce que tu appelles la « stratégie systémique » ?
Alexandre : – En une phrase, je dirais que la stratégie systémique, c’est une manière de construire une stratégie dans n’importe quel domaine, en utilisant un outil de raisonnement appelé systémique.
Personne curieuse : – La stratégie je sais ce que c’est : en gros c’est l’art d’atteindre ses objectifs en prenant en compte tous les éléments d’une situation. Mais la systémique, je n’en ai jamais entendu parler, c’est quoi son utilité ?
Alexandre : – La systémique permet de penser et de saisir la complexité. Attention, complexe ne veut pas forcément dire compliqué. La complexité signifie que plusieurs processus sont en interactions (qui forment un « complexe »), et qu’il faut prendre en compte cet ensemble pour l’utiliser à son avantage.
Je vais donner cet exemple anecdotique dans la vie privée :
Exemple 1 :
Une personne a une particularité assez gênante : elle ne supporte pas que ses amis ne l’appellent pas pendant plus d’une semaine.
Elle se sent en quelque sorte trahie, abandonnée par ses plus proches amis. Alors, quand un de ses amis la rappelle après plus d’une semaine d’attente, elle décroche et lui parle de manière froide et distante. L’ami au bout du fil lui demande alors parfois ce qui lui arrive, et elle répond qu’elle ne trouve pas normal que quelqu’un qui se dit son « ami » ne l’appelle pas plus souvent pour prendre de ses nouvelles.
Alors, peu à peu, plus personne ne la contacte…
Utilisons notre réflexion, systémique, dans cet exemple de base.
Il faut voir ici les processus importants :
1/ la personne désire qu’on l’appelle plus souvent ;
2/ ses amis ne vont appeler que si ça leur fait plaisir, à eux.
Voici donc ce que notre personne doit comprendre :
En critiquant l’ami qui appelle, celui-ci va se sentit mal à l’aise, et aura encore moins envie d’appeler la prochaine fois. Tandis qu’en décrochant de manière souriante et aimante, l’ami va se sentir valorisé et heureux de discuter, ce qui va lui donner envie de rappeler de plus en plus souvent (renforcement positif du comportement).
Notre personne doit donc passer outre sa frustration du moment, pour un bénéfice à long terme. Elle doit imaginer les conséquences positives de sa nouvelle attitude sur sa vie, dans son ensemble.
Ici, non seulement ses amis appelleront plus souvent, mais en plus peu à peu elle se sentira moins gênée par les moments de silence de la part de ses amis (renforcement positif de son nouveau comportement).
Il faut donc penser à plus long terme et en prenant en compte les désirs des amis concernés. Il est utile de penser de manière plus complexe, pour obtenir ce que l’on désire de manière plus simple et plus durable.
Personne curieuse : – Je commence à saisir un peu. C’est une manière de voir les « articulations » des processus mis en jeu, comme une construction de « meccanos », et de les utiliser avec un bénéfice maximum pour la personne.
Alexandre : – C’est exactement cela, c’est un bénéfice maximum pour un investissement minimum, en utilisant toute la force et l’énergie des processus existants.
Je vais te donner un autre exemple, plus impliquant pour la personne et dans la vie professionnelle cette fois-ci :
Exemple 2 :
Un homme désire évoluer au sein de son entreprise. Sa femme et ses amis lui reprochent de ne pas avoir assez d’ambition et de ne pas se donner suffisamment à fond pour avoir de l’avancement.
« S’ils savaient ce que c’est aussi, ce n’est pas aussi simple que ça. Il faut faire son travail correctement et le patron voudrait des idées originales dans le management de la boîte. Je ne peux pas faire mon travail correctement et penser à tout. En plus, je ne pense pas qu’à ça toute la journée, j’avoue que la motivation n’est pas là à chaque fois… »
Utilisons à nouveau notre réflexion dans ce contexte professionnel.
Après une étude de son objectif et des processus mis en jeu, voici ce qui est conseillé à notre homme :
« Vous allez prévenir tout le monde, votre femme et vos collègues de travail. Les jours où vous désirez afficher votre ambition et vous investir pour votre entreprise, vous porterez une chemise rouge vif. »
Le stratège systémicien sait qu’il faut un moyen d’affichage extérieur de l’ambition de notre homme. Pourquoi ?
Parce que de cette façon, si l’homme ne porte pas sa chemise rouge un jour, tout le monde va lui demander si il a abandonné son objectif : réussir. Ce qui le mettra face à ses responsabilités et rappellera chaque jour son engagement. En mettant sa chemise rouge le matin, il se dit : « Voilà, aujourd’hui je pars travailler pour réussir et grimper les échelons ».
La stratégie est d’utiliser la force de l’engagement, face à des collègues, et l’affichage social, pour la motivation de l’homme.
Une méthode utilisée couramment en coaching, beaucoup moins efficace, est d’effectuer une remotivation régulière de la personne avec de simples paroles du type : « Vous désirez réussir dans votre vie professionnelle ? Alors faites tout ce qu’il faut pour, ne tombez pas dans la routine, bougez-vous et vous y arriverez… ». Pourtant ce n’est pas si simple. Les paroles s’envolent et ne laissent pas la trace voulue dans l’esprit d’un individu.
Lui demander d’afficher socialement son objectif avec la chemise rouge va au contraire créer et entretenir sa motivation et son ambition. Il devient responsable de l’atteinte de son objectif et de son engagement.
Personne curieuse : – Hmm, d’accord. Je pense comprendre réellement le principe de ces stratégies. En fait tu utilises l’ensemble d’un environnement pour en tirer un maximum d’avantages, avec un minimum d’efforts inutiles. Et tout ça à long terme en fin de compte.
Ces exemples étaient simples en apparence mais tu considères toujours qu’une situation possède des solutions élégantes lorsque l’on se sert de tout ce qui est en rapport, même de façon éloignée.
Alexandre : – Exactement. Penser sur le long terme et de façon indirecte, avoir une vision globale et non trop centrée sur un problème, c’est la clé de la réussite.
La complexité nous fait peur, et pourtant, dans cette complexité est cachée la maîtrise.
Des exemples simples, précis, comme toujours ici. Merci.
Très parlant le coup de la chemise, effectivement!
Bonne vacances Alexandre 😉
Le temps passe, les méthodes trépassent … Avec Georges Barbarin, dans un cas d’ambition professionnelle la discrétion absolue était recommandée, avec tout autant d’arguments (ne pas parler de ses ambitions les plus chères afin de ne pas s’éparpiller et afin de ne pas s’exposer aux reproches et autres toxicités des autres, y compris les proches).
Ici, la methode « muletta » est recommandée … bonjour la pression des proches …
Bonjour,
Si je vous ai bien compris, vous n’approuvez pas le fait d’afficher son projet professionnel (ou son ambition en quelque sorte). Pour certaines personnes et certains cas ce n’est pas conseillé, et pour d’autres, ça l’est fortement.
Je cite le début du deuxième exemple:
Un homme désire évoluer au sein de son entreprise. Sa femme et ses amis lui reprochent de ne pas avoir assez d’ambition et de ne pas se donner suffisamment à fond pour avoir de l’avancement.
« S’ils savaient ce que c’est aussi, ce n’est pas aussi simple que ça. Il faut faire son travail correctement et le patron voudrait des idées originales dans le management de la boîte. Je ne peux pas faire mon travail correctement et penser à tout. En plus, je ne pense pas qu’à ça toute la journée, j’avoue que la motivation n’est pas là à chaque fois… »
Pour son cas (hypothétique et simplifié, je le répète encore), l’astuce de la chemise peut être un très bon moyen, puisque légèrement « augmenter la pression » peut lui donner un bon coup de pouce. L’engagement n’est pas une mauvaise chose en soi ! Seulement il ne faut pas le faire inconsidérément… Et si notre homme ne supporte pas cette pression des autres (pression d’ailleurs quasi-inévitable pour progresser dans certaines entreprises compétitives), alors il pourra toujours changer de moyen, il aura essayé au moins !
Ce que je veux exprimer ici, c’est qu’il n’y a pas d’a priori, ne jamais révéler ce que l’on veut est tout aussi peu adapté que de toujours l’afficher. Je n’ai pas appelé mon article « La stratégie systémique » pour rien. Il faut s’adapter à chaque cas, à chaque contexte, toute sa vie et sans recettes toutes faites si possible. Pas de fuite continuelle et de crainte des autres, pas de « rentre-dedans » forcené et destructeur, seulement une petite dose de bon sens, même si ce n’est pas toujours facile !
Merci pour votre intervention, qui m’a permis d’approfondir tout cela ici !
Cordialement.
Je ne prétends rien, je me souviens simplement des livres de cette personne citée ci-dessus, aux recommandations opposées, et je l’ai rapporté ici.
Pour ma part, je mange, je mâche, je digère et je ne garde souvent pas grand chose, parce qu’en général on a tout ce dont on a besoin ou presque en nous. C’est bien dommage que peu s’en souviennent et deviennent tant dépendants des autres.
Bonne continuation !
Je suis d’accord avec vous pour la dépendance, il faut savoir la dépasser (et ne pas aller vers son alternative un peu trop « binaire » : l’indépendance totale). Un mot est souvent cité pour désigner la subtilité de ce dépassement : l’interdépendance. Mais ceci est une autre histoire.
Je vous souhaite également un bonne continuation !