La stratégie du dauphin (Dudley Lynch, Paul L. Kordis, Les Éditions de l’Homme, 2006) est un livre que j’apprécie particulièrement, car il est original, imagé et métaphorique, et surtout plein de bonnes idées…
Je vais vous parler du principe « noyau » de ce livre, l’existence de trois types de comportement, ou de personnalité, dans la vie personnelle et professionnelle: la stratégie de la carpe, celle du requin et enfin celle du dauphin, la plus rare de toutes.
LA CARPE
Voici ce qu’elle pense: « Je crois qu’il y a pénurie, une grande limitation dans ce qui existe et dans mes ressources. Je m’attend à ne jamais avoir ou faire assez. De ce fait, si je ne peux échapper à la responsabilité et à l’apprentissage en m’en éloignant, je choisi ma deuxième option et généralement je me sacrifie. »
Les carpes pensent « je ne peux pas gagner » et se répètent ce message dans toutes ses variantes de négation des possibilités et du changement, au point même de nier les véritables conséquences de l’échec.
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« L’ignorance est bénéfique. »
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« J’ai été impuissant et je le serai toujours. »
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« Ma souffrance sert à quelque chose, elle n’est pas vaine. »
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« Dans la vie il faut perdre » (A ne pas confondre avec la pensée plus constructive « Il faut savoir perdre aujourd’hui pour enfin revenir plus fort et sage »).
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« Tout ce que l’on veut obtenir d’important nécessite une part de sacrifice. »
- « Il faut présenter l’autre joue deux ou même encore trois fois, recommencer cent et une fois son ouvrage. »
Les carpes pseudo-éclairées (une forme légèrement différente de carpes) quant à elles croient ceci: « Toutes les créatures devraient prendre soins les une des autres et vraiment s’aimer. Pour que cela se passe comme ça, tout ce que j’ai à faire, c’est d’y croire. »
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« Ce n’est pas gagner ou perdre qui est important mais juste la façon dont on joue le jeu. »
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« Le résultat importe peu, ce n’est pas l’arrivée qui compte mais le voyage. »
- « Si je « lâche toujours prise », tout ira bien, car l’univers nous donnera le meilleur des avenir pour tous. »
LE REQUIN
Le requin pense: « Je crois qu’il y a pénurie. Donc j’ai bien l’intention d’obtenir le maximum en prenant aux autres, quoi qu’il arrive. D’abord j’essaye de les vaincre, et si je n’y parvient pas j’essaye de me joindre à eux, et on verra plus tard. »
Les requins se répètent sans cesse: « Il faut que je gagne, par tous les moyens, c’est la loi de la nature. »
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« Après tout, le monde fonctionne comme ça, c’est la loi de la jungle. »
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« Je n’avais pas vraiment l’intention de te faire un croche pied, mais je n’avais pas le choix à l’arrivée », ou « …tu aurais dû te souvenir de mon avertissement », ou encore « …même si je t’avais assuré que ce n’était pas mon intention. »
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« La compétition est inévitable. »
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« La compétition est le seul moyen qui existe pour nous pousser à donner le meilleur de nous même. »
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« La compétition est le seul moyen que je connaisse pour s’amuser. »
- « La compétition forme le caractère et nous apprend à survivre. »
LE DAUPHIN
« Je crois à la possibilité d’une pénurie comme à la possibilité d’une abondance. De la même manière, je crois que nous avons le choix, que nous pouvons nous servir de ce que nous avons comme d’un levier du changement et exploiter nos ressources de façon intelligente et élégante. Être flexible et faire plus avec moins sont les principes maîtres de ma vision du monde et de son évolution. »
Le dauphin pense: « Je sais utiliser les ressources à ma disposition et les situations à mon avantage, en sachant que le déni de la réalité ne pourra que détruire mon existence et celle des autres. Je sais prendre en compte les conséquence à court comme à long terme de mes actes, et c’est pourquoi je souhaite une victoire élégante et éclatante pour chacun de nous. Car ceux qui voudront m’aider seront un moteur pour mon progrès et celui de l’évolution. »
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« Je ne perds jamais de vue l’avenir. »
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« Je tire constamment les leçons du passé. »
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« Je cherche la bonne réponse. »
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« Je comprends la dynamique du risque et du stress, et sais l’utiliser pour mon progrès. »
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« Je prévois le décalage dans les actions, le temps de latence. »
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« Je ne perds jamais de vue mon objectif ultime, qui me sert toujours de boussole. »
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« J’articule clairement ma vision des choses et évite la confusion. »
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« Je sais où je me trouve. »
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« Je connais ma destination. »
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« Je sais me corriger. »
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« Je sais me diriger. »
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« Je sais apprendre tôt, vite et durablement. »
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« Je sais me perturber pour me pousser à changer, lorsque je pressens une évolution des évènements. »
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« Je sais utiliser la vague et sais qu’elle n’est pas éternelle, donc je me prépare aussi à la nouvelle vague. »
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« Je connais ma position sur la vague. »
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« Je dis la vérité, à moi même et aux autres, et avec force. »
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« Je sais me servir de l’erreur pour voir si l’eau est bonne et si les vents sont plutôt favorables. »
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« Je sais utiliser le pouvoir de la nouveauté. »
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« Je sais utiliser le pouvoir de l’ordre. »
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« Je sais éviter de blâmer et de faire honte. »
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« Je sais éviter d’avoir à me justifier. »
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« Je sais éviter les drames. »
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« J’assume mes responsabilités. »
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« Je sais créer des options. »
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« Je sais agrandir le bassin dans lequel je nage pour permettre à d’autres d’évoluer dans des eaux favorables. »
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« Je sais changer le sens des évènements, recadrer dans un autre contexte. »
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« Je sais chercher des solutions de rechange. »
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« Je sais faire plus avec moins. »
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« Je privilégie les solutions élégantes. »
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« Je sais faire autre chose. »
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« Je sais supporter la pression si les enjeux en valent la peine. »
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« Je sors du bassin si les enjeux sont insignifiants. »
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« Je reconnais que tout le monde ne veut pas être dauphin. »
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« Je connais très bien la valeur de la coopération et ne poursuit pas inutilement ceux qui ne veulent pas créer avec moi. »
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« Je sais reconnaître les qualités de la carpe. »
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« Je sais quand il est sensé de penser comme un requin. »
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« Je crois à l’abondance comme à la pénurie. »
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« Je sais effectuer des représailles immédiate si elle sont justifiées. »
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« Je sais effectuer un pardon immédiat si j’estime que l’autre va se racheter et coopérer pour la suite. »
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« Je crois que nous pouvons tous gagner la plupart du temps. »
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« Je sais reconnaître que certaines choses échappent à mon contrôle. »
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« Je suis ouvert à la surprise et sais m’y adapter. »
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« J’assume la responsabilité de mes sentiments et de mes expériences. »
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« Je sais reconnaître mon échec avec objectivité, et suis enthousiaste pour mon succès futur. »
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« Je sais éviter la stupidité, souvent les automatismes. »
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« Je sais viser la percée. »
- « Je sais me transformer de façon continuelle, sans avoir peur de changer et d’abandonner le présent, comme une chenille devenant papillon. »
Le « dauphin » sait s’adapter aux différentes situations et n’est pas figé dans une pensée unique, ou une formule de vie qui nous aiderait à ne pas réfléchir.
Il sait utiliser son environnement en fin stratège, et il est à mon sens un ingénieux utilisateur de l’approche systémique et de ses potentialités.
Et vous? Aimeriez-vous être carpe, requin ou dauphin à partir de maintenant?
l’elegance du dauphin me parait justifiée 🙂
ou je pourai avoir plus d’information sur ce sujet mis a part le livre
Bonjour,
Les auteurs du livre se sont beaucoup inspirés des concepts de l’Ecole de Palo Alto.
Son représentant le plus connu en France est P. Watzlawick, dont les ouvrages sur les comportements et la communication sont assez populaires dans le milieu de la psychologie, et dont les concepts reposent essentiellement sur la systémique.
Mise à part cette piste, il n’y a pas vraiment d’autre sources d’information sur cette description de la « stratégie du dauphin ».
C’est un ouvrage assez spécial qui repose beaucoup sur la métaphore, et cette idée essentielle: il faut toujours, toujours s’adapter, en ayant une ligne directrice en tête.
Surtout dans un monde très changeant comme le nôtre.
Bonsoir,
» Le “dauphin” sait s’adapter aux différentes situations et n’est pas figé dans une pensée unique, ou une formule de vie qui nous aiderait à ne pas réfléchir. »
Je comprends tout à fait et cela me semble raisonnable.
Cependant, en faisant le lien avec un de vos articles de septembre 2007 dans lequel vous parlez des émotions et des réactions qui en découlent, vous préconisez d’établir des automatismes aux émotions.
N’y a-t-il pas une contradiction entre ces deux concepts ?
Par exemple, un collègue me manque de respect :
1 automatisme enclenché —> je recadre le manque de respect aussi vite que possible
2 j’essaye de comprendre les raisons de sa colère et j’agis en conséquence
Mon problème est que j’ai très envie de choisir la solution 2, mais qu’en même temps j’ai peur de manquer de principes, et justement de faire un mauvais choix à cause de mes émotions.
Pour reprendre le cas de la riposte nucléaire américaine, d’un côté cela leur assure une certaine sécurité, mais de l’autre on pourrait se dire qu’en agissant ainsi, on se ferme à toute possibilité de relations moins tendues avec les russes (= crainte de passer à côté d’une situation qu’on imagine plus heureuse / influence des émotions)
Cela me fait penser qu’il faut avant tout penser à l’objectif principal : la sécurité des Etats-Unis ou les relations avec l’URSS / montrer que je ne me laisse pas marcher dessus ou essayer de gagner la confiance et la sympathie d’un collègue…
Peut-être ne vaudrait-il pas alterner les réponses ?
Le lundi, on est ferme, et le mardi on est compréhensif…
Pour en revenir au début, » cela revient à toujours s’adapter, en ayant une ligne directrice en tête. » Mais dans une vision d’ensemble, puisqu’on cherche à faire passer 2 messages : on ne se laisse pas faire ET on est aussi capable d’écouter.
Je suis désolé d’avoir été aussi long, mais j’espère sincèrement que vous m’avez compris et j’attends avec impatience votre avis car ce sujet me tient beaucoup à coeur.
Samuel
Bonjour,
J’ai lu attentivement votre message, et je pense avoir compris la question que vous vous posez.
Et d’ailleurs si mes souvenirs sont exacts, le livre que je cite parle de ce cas de figure. Le dauphin utilise alors la stratégie du « tac au tac ».
De quoi s’agit-il ? Il s’agit de répondre immédiatement et de façon claire, par un « retour de bâton », à un comportement inacceptable de la part de quelqu’un. Ce retour du bâton doit être légèrement inférieur au préjudice reçu, afin de faciliter le retour à la normale, sans escalade. Tout de suite après, le dauphin permet à la personne de se rattraper, de coopérer et de cesser le comportement perturbateur. Il refait confiance mais que si tout se passe bien et si la leçon a été comprise. Sinon, il rompt la collaboration. Encore du tac au tac: une réaction rapide, proportionnée, ponctuelle et claire. Ici il n’y a pas de vengeance, ni de comportement inconstant.
Aussi, le dauphin doit prendre en compte la personne qui a fait l’erreur. Si la relation est primordiale alors le dialogue devra être poussé. Si la relation n’est pas primordiale, il faut aussi donner une chance, après la réaction du tac au tac, mais ne pas s’acharner à changer quelqu’un qui ne fera manifestement pas d’efforts… Bien sûr, les relations sont primordiales ou non en fonction des personnes et du contexte: au travail, dans la vie privée, dans les relations de voisinage etc.
Pour faire le rapprochement avec mon billet sur les réactions émotionnelles et leur fonction, je dirais qu’il faut réfléchir sur les points suivants: l’importance du comportement de la personne, l’importance de cette personne pour vous, le futur probable si le comportement perturbateur continue, le futur probable si le comportement perturbateur cesse (va t-il y avoir pire ? cette question est essentielle pour savoir comment le système risque d’évoluer). Qu’est ce qui est le plus facile ? S’en accommoder ? Corriger le comportement de manière ferme mais empathique ?
Ensuite, les émotions peuvent jouer, car vous savez ce que vous voulez et ce qui est le mieux, il faut donc réagir en conséquence. Et la personne, si jamais elle a de mauvaises intentions, saura que vous irez jusqu’aux bout de votre conviction. Elle le saura parce que vous y aurez réfléchi, votre décision sera la meilleure parce que le pour et le contre à été évalué. Votre émotion vous mettra en route, et travaillera à votre service.
J’ai donné pas mal d’informations dans ce message et j’espère que vous m’avez compris. Pour résumer, il vaut mieux agir au mieux en réfléchissant à l’avance, et ensuite être ferme dans ses décisions. En utilisant ses émotions comme moteur.
Vous paraîtrez alors être quelqu’un de sûr, fiable, constant, et qui sait aussi être dur et pardonner, quand c’est utile pour tout le monde.